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riches, et l’on peut aisément se rendre compte de ce qu’il est possible de réaliser avec un tel cadre. Si les mœurs accordaient aux riches de l’Occident la coutume des cortèges, les cérémonies du mariage seraient aussi imposantes que le sont celles des obsèques. Mais il en est tout autrement : le cérémonial est une coutume qui a disparu des mœurs occidentales ; on le supprime autant qu’on peut, et il n’y a plus guère que les campagnes où les mariages soient encore des noces. On y danse, on y chante, on y fête une grande joie.

Les mariages que j’ai vus dans la société élevée sont bien la chose la moins gaie du monde. On ne va pas à la célébration du mariage civil : ceux qui admettent la consécration religieuse se hâtent de sortir de l’église. À peine rentré chez soi, on change de toilette et on prend le train. Vraiment on ferait mieux de faire venir le maire et le curé dans un sleeping-car et de procéder rapidement à la célébration du mariage avant le départ du train. Les invités se tiendraient sur le quai de la gare et l’on pourrait même prier les locomotives d’exécuter un chœur pour impressionner la mariée. Je crois qu’on finira par en arriver là.

J’ai la naïveté de croire à l’influence dès cérémonies : elles obligent au respect de l’acte accompli. Malgré vous, vous sentez la grandeur de quelque chose que vous ne définissez pas, mais qui existe. Les cérémonies font sentir le mystère et, par elles, nous savons nous élever au-dessus de nos petitesses. Moins les cérémonies sont imposantes, moins l’action accomplie est importante. C’est pourquoi le mariage a perdu son charme.

Chose curieuse ! les honneurs rendus aux morts restent les mêmes ; les cérémonies publiques sont respectées et le deuil ne les discute pas. C’est que l’on peut ridiculiser à bon compte les cérémonies des vivans ; mais, en présence de la mort, on laisse faire la coutume, et les plus sérieux ne contrôlent pas les cérémonies de la douleur.

Le culte du sérieux a remplacé dans la civilisation moderne tous les autres cultes. Il y en avait jadis de charmans que des livres anciens m’ont appris à connaître. On vivait alors en communication plus directe avec la nature. J’ai retrouvé dans ces anciennes descriptions bien des traits de ressemblance avec nos mœurs actuelles qui me font conclure que les changemens ne sont pas des progrès, du moins rarement. Quand je contemple les beaux costumes du temps, les chapeaux à plumes et les manteaux brodés, je ne puis m’empêcher de trouver très laids le tube noir qui sert aujourd’hui de couvre-chef et cet habit noir si étrange que tout le monde porte, surtout les domestiques.

Je parierais fort que, si on faisait l’histoire complète du costume