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non-seulement il n’était pas disponible, mais la compagnie ne pouvait même pas appliquer à ses affaires les.4 millions qu’elle recevait annuellement du trésor. Elle était obligée de les distribuer intégralement aux actionnaires, pour lesquels ils formaient un dividende fixe que pouvaient accroître les profits du commerce et que ses pertes ne pouvaient diminuer. On ne lui permettait de disposer que de la première annuité de 1717, qu’elle devait toucher avant d’être définitivement constituée. C’est avec 4 millions qu’elle devait pourvoir à ses frais de premier établissement et à ses opérations de culture d’industrie, de commerce, jusqu’au jour où elle pourrait leur affecter des bénéfices déjà réalisés. Cette situation n’avait pu échapper à Law : il devait donc nécessairement compter sur la banque pour lui fournir par ses billets les ressources qui allaient inévitablement lui manquer. D’un autre côté, les 1,200 actions de la banque, de 1,000 écus (5,000 liv.) chacune, ne se prêtaient que difficilement au commerce des valeurs : ni les négociations auxquelles elles auraient donné lieu ni même leur cours ne sont nulle part mentionnés. Les 200,000 actions de la compagnie, qui n’étaient que de 500 livres et qu’on avait eu soin de déclarer marchandise que chacun peut vendre, acheter, marchander à son gré, ouvraient, au contraire, par leur nombre, qui devait s’accroître, et par leur quotité un vaste champ au trafic du papier. Comme sociétés de commerce et comme instrumens de crédit et de spéculation, la banque et Ta compagnie d’Occident se complétaient l’une l’autre[1] ; on ne tarda pas à donner à l’ensemble de leur organisation et de leurs opérations le nom de système de Law.

L’établissement de la compagnie d’Occident allégeait la dette publique remboursable en éteignant 100 millions de billets de l’état, mais elle ne diminuait pas les charges annuelles du trésor et n’augmentait pas ses revenus : l’équilibre entre les recettes et les dépenses était loin d’être rétabli. Cependant le régent et le conseil des finances, « après s’être fait rendre un compte exact de la situation au 1er septembre 1717, et des opérations qui avaient été faites, crurent ne pas devoir différer plus longtemps de soulager la nation par la remise du dixième, de l’une des deux impositions extraordinaires dont elle était chargée… (édit d’août 1717.) Cette suppression d’un impôt qui n’avait été établi que pour la guerre et à titre temporaire, bien qu’au point de vue financier elle fût inopportune, ne pouvait qu’être bien accueillie par les contribuables :

  1. La Banque devint aussitôt l’un des forts actionnaires de la compagnie. Profitant de la disposition qui permettait aux sociétés déjà formées « de prendre intérêt, » dans celle d’Occident, elle s’empressa de convertir les billets de l’état qui formaient les trois quarts de son fonds social (4,500,000 francs) en neuf mille actions de la compagnie d’Occident.