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Tandis que s’exaltaient les passions du Sud, la question du tarif était soumise aux délibérations du congrès. Les revenus du gouvernement fédéral atteignaient un chiffre très supérieur à ses besoins ; cette disproportion était devenue plus frappante depuis que Jackson avait répudié le système des améliorations intérieures, et l’on pouvait prévoir le moment prochain où, après l’extinction totale de la dette, on se trouverait en face d’un excédent annuel de 12 à 13 millions de dollars. Cette situation semblait de nature à justifier une réduction des droits de douane qui eût calmé l’ardeur des revendications du Sud, et, dans son message de 1833, le président avait appelé l’attention du congrès sur l’opportunité d’une révision de tarif. Le comité des manufactures de la chambre des représentans, que présidait J. Q. Adams, accueillit favorablement cette idée : mais elle fut énergiquement combattue au sénat par Henry Clay, qui comptait assurer à sa candidature à la présidence l’appui des états manufacturiers du Nord. Il déclara consentir à l’abolition de toutes les taxes qui n’avaient qu’un caractère fiscal, mais il réclama hautement, dans l’intérêt de l’industrie nationale, le maintien rigoureux du « système américain, » ajoutant que, s’il fallait arriver à une réduction immédiate des revenus, il n’hésiterait pas à proposer la substitution d’un régime de prohibition absolue aux droits protecteurs qui frappaient les produits étrangers. L’esprit sage et politique d’Adams s’effraya de la témérité de cette thèse. « C’est un défi que vous jetez au Sud, » dit-il à Clay. « Pour conserver et pour justifier le système américain, répondit celui-ci échauffé par l’ardeur de la lutte, je défierais le Sud, le président et le diable. »

Le 27 avril 1832, le secrétaire de la trésorerie Mac Lane présenta un projet qui réduisait à 12 millions de dollars le chiffre des recettes annuelles en abaissant à 15 pour 100 les droits sur la plupart des marchandises importées. Cette proposition fut écartée, et la loi qui fut votée le 14 juillet suivant, sous l’inspiration de Clay, se borna à opérer une réduction annuelle de 3 millions environ au moyen de la suppression d’un certain nombre de droits fiscaux, en maintenant presque sans changement tous les droits protecteurs.

Cette nouvelle porta à son comble l’exaspération de la Caroline du Sud, où les élections venaient d’assurer la majorité aux partisans de la nullification. La législature de l’état convoqua une convention pour délibérer sur la situation créée par le vote du congrès. Cette convention se réunit le 19 novembre sous la présidence du gouverneur Hamilton et vota une ordonnance de nullification. Aux termes de cette ordonnance, les actes du congrès du 19 mai 1828 et du 14 juillet 1832 étaient déclarés nuls et de nul effet ; les droits perçus en vertu de ces actes devaient cesser d’être payés à dater du 1er février 1833. Aucun recours ne devait être porté devant une