Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/816

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la dignité du salaire. La liberté seule, nous le répétons, est en mesure de conseiller de meilleures méthodes de travail et de fixer, selon les circonstances, le meilleur mode de rémunération.

Le gouvernement doit demeurer étranger aux discussions qui s’agitent entre le capital et la main-d’œuvre ; mais ce n’est pas à dire pour cela qu’il n’y compte pour rien. La conduite de ceux qui gouvernent, leur habileté, leur esprit d’économie, la confiance qu’ils inspirent et la sécurité qu’ils donnent aux intérêts peuvent beaucoup pour l’accroissement des profits et pour l’amélioration des salaires. Si les gouvernans ne possèdent point ces qualités, s’ils emploient mal les ressources de la nation, s’ils créent ou maintiennent des impôts excessifs, la conséquence est inévitable : le capital et la main-d’œuvre en sont profondément atteints. Dans quel sens cet argument doit-il s’appliquer à l’état de choses actuel ? C’est ce que nous n’avons pas à examiner dans une étude qui ne s’inspire d’aucun parti politique. Il nous suffit d’énoncer que, sans s’écarter du principe de non-intervention économique, le gouvernement d’un grand pays influe directement sur les affaires du travail et qu’il peut, dans bien des cas, être tenu pour responsable des (chômages et des grèves qui affectent l’industrie.

Aussi voyons-nous les pétitions affluer au parlement. La chambre des députés a consacré de longues séances à l’examen des doléances et à l’étude oratoire des remèdes. L’enquête de 1883, que nous venons d’analyser, sera suivie d’autres enquêtes plus générales et plus solennelles ; mais elle a été complète et, selon nous, décisive pour ce qui concerne les associations ouvrières, en faveur desquelles sont aujourd’hui renouvelées les tentatives qui ont échoué au lendemain de 1848 et dans les dernières années de l’empire. Il faut donc chercher autre chose qui soit plus efficace. Le concours de toutes les bonnes volontés est acquis à ce problème. Puissions-nous distinguer quelques idées utiles au milieu des propositions chimériques dont nous sommes encore une fois menacés ! Puissions-nous échapper à la contagion du socialisme d’état, doctrine décevante et énervante que notre démocratie ne saurait être désireuse de s’approprier ! Avec la liberté, servie par un gouvernement sage, la satisfaction des droits et l’union des intérêts s’accompliraient spontanément. De tous les procédés imaginés jusqu’ici par les amis du peuple et par les avocats des ouvriers, par les réformateurs socialistes ou révolutionnaires, il n’en est pas un seul qui vaille la liberté et la sagesse.


C. LAVOLLÉE.