Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tous les Français, nobles ou roturiers, privilégiés ou non, tous les biens, tous les revenus seront assujettie au dixième[1] : les fonds de terre, les prés, les bois,.. les cens, rentes et droits seigneuriaux, et généralement tous les biens et droits tenus à rente, affermés ou non affermés ; les maisons des villes louées ou non louées, et les maisons des campagnes dont la location assure un revenu aux propriétaires ; le revenu de toutes les charges et de tous les emplois ; les rentes sur l’état et sur le clergé, les augmentations de gages, les pensions et gratifications ; les rentes même constituées sur particuliers, ainsi que les douaires et les pensions résultant de contrats et de jugemens, et tous les droits et émolumens attribués aux officiers du roi comme aux particuliers, aux corps et aux communautés. L’impôt frappera aussi les gens d’affaires et tous ceux dont la profession est de faire valoir leur argent ; chacun d’eux contribuera, suivant des rôles arrêtés à cet effet, à raison du dixième de ses profits et revenus. Les profits purement personnels et les salaires des ouvriers ne sont pas expressément imposés ; mais beaucoup tomberont indirectement sous le coup de la taxe ; parce qu’ils supposent l’achat d’une charge ou l’emploi d’un capital sous une forme ou sous une autre.

Il est défendu aux fermiers, aux locataires, aux mandataires quelconques, tenant et exploitant des biens dont le revenu est assujetti au dixième, de faire aucun paiement aux propriétaires de ces biens sans justifier qu’ils ont acquitté le terme courant, à moins qu’ils n’aient autorisé leurs débiteurs à payer en leur acquit le dixième des biens et revenus dont ils sont chargés. Tous les contribuables remettront, dans le délai de quinze jours, des déclarations de la valeur de leurs biens et du montant de leurs revenus, à Paris au prévôt des marchands, dans les provinces aux intendans, sous peine de payer le double de leur contribution et le quadruple en cas de fausse déclaration. Des dispositions particulières ont pour effet de ne faire porter l’impôt que sur les revenus nets, après déduction des charges dont ils sont obligés de supporter le prélèvement.

Le dixième ne rendit pas plus de 24 millions dans les meilleures années. Les espérances si formellement exprimées par le roi dans sa déclaration ne furent encore, comme pour la capitation, qu’une illusion. Les produits cumulés de la capitation et du dixième réunis étaient inférieurs, en 1710, au montant total des charges annuelles résultant des emprunts et de toutes les affaires extraordinaires réalisées ou engagées.

  1. Le clergé n’est pas désigné ; réuni extraordinairement en juillet 1711, il accorda un don gratuit de 8 millions qu’il fut autorisé à emprunter, et ce don le racheta du dixième. (Forbonnais, t. II, p. 227.)