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le frai, tous les collecteurs retirés étaient couverts de naissain. M. Coste crut pouvoir faire un pas de plus et, emporté par son imagination, entreprendre immédiatement le repeuplement de toutes les côtes. Il fit mettre à sa disposition le bâtiment le Chamois pour se porter sur les points où de nouvelles expériences étaient tentées, fit acheter en Angleterre plusieurs millions d’huîtres, qu’il expédia à Cette pour repeupler la Méditerranée, ensemença la rade de Brest, créa des parcs dans le bassin d’Arcachon et contribua à donner un vif essor à l’industrie privée, car, à ses yeux, l’état devait se borner à fonder des établissemens modèles pour servir d’exemple aux particuliers. Ceux-ci n’hésitèrent pas à suivre l’impulsion qui leur était donnée, et, sur les côtes de Normandie, comme sur celles de Bretagne et de Gascogne, les populations riveraines sollicitèrent des concessions de terrain pour l’exercice de cette industrie nouvelle qui promettait de si beaux résultats et pour laquelle d’ailleurs les capitaux ne faisaient pas défaut. Au début, tout sembla marcher à souhait ; dans un rapport publié en 1861, M. Coste affirme que la baie de Saint-Brieuc peut dès ce moment livrer annuellement plusieurs millions d’huîtres marchandes ; que l’île de Ré a vu ses côtes converties par les parqueurs en une vaste huîtrière ; que le bassin d’Arcachon promet une moisson d’une profusion inimaginable ; que, dans les rades de : Brest et de Toulon, le succès paraît assuré ; qu’à La Rochelle et à Marennes, la production est satisfaisante, et que, dans l’étang de Thau, les huîtres acquièrent des qualités exceptionnelles. Au bout de quelques années, il fallut singulièrement en rabattre. Les bancs artificiels de Saint-Brieuc furent détruits et dispersés par les mauvais temps ; la rade de Brest s’appauvrit par l’insuffisance de la reproduction ; les parcs de l’île de Ré et de La Rochelle déclinèrent peu à peu et furent abandonnés. La cause principale de ces insuccès doit être attribuée à l’ignorance où l’on était des lois naturelles qui président à la formation des gisemens huîtriers, ignorance qui conduisit ces ostréiculteurs improvisés à s’établir sur des fonds absolument impropres à l’élevage de ce mollusque. C’était une expérience à recommencer, sinon sur de nouvelles bases, du moins avec plus de prudence, et c’est la tâche que la marine s’est imposée et qu’elle a réussi à mener à bien. Elle provoqua d’abord les décrets qui interdisent la pêche de l’huître pendant la saison du frai ; choisit avec soin, pour la création de bancs artificiels, des terrains situés à proximité des bancs naturels, et ne donna plus de concessions qu’à ceux qui furent jugés capables de les faire prospérer : Les particuliers qui se livrent à cette industrie sont aujourd’hui plus sûrs d’eux-mêmes et réalisent des bénéfices importans. Les centres principaux sont le bassin d’Arcachon et le Morbihan.