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les inconvéniens d’une nouvelle création d’offices : « Vous savez qu’il y a longtemps que l’usage des remontrances est aboli. »

Les services judiciaires, quelque nombreux qu’ils fussent, ne pouvaient se prêter à l’institution de charges nouvelles aussi facilement que les services administratifs, financiers et militaires. On jugera du nombre et de l’importance des offices de cette nature qui furent créés par ce fait, qu’on en vendit pour 257 millions et à tous les degrés de la hiérarchie : on y trouve à la fois seize charges de grands maîtres des eaux et forêts vendues près de 2 millions, et des offices de priseurs nobles voyers, experts et greffiers de l’écritoire vendus 286,000 livres. Parmi tous ces offices, qu’il est impossible d’énumérer, ceux de greffiers conservateurs des actes de baptême, de mariage et de sépulture dans chaque paroisse attirent l’attention par les effets imprévus qu’eut leur création et les révoltes qu’elle provoqua. Ce n’était pas le désir d’assurer la conservation des actes de l’état civil, alors tenus par le clergé, qui la motiva : la pensée du fisc se révèle par l’établissement d’un droit pécuniaire que perçurent, sur les actes auxquels ils étaient préposés, ces nouveaux fonctionnaires, dont les charges (avec celles, il est vrai, de greffiers des insinuations et de notaires apostoliques) furent achetées 14 millions 1/2. Leur institution fut ensuite complétée par celle de contrôleurs des mêmes actes, qui produisit encore quelques centaines de mille livres, et Saint-Simon l’a marquée de ses traits incisifs : « Cet édit fut extrêmement onéreux et odieux. Les suites, et promptes, produisirent une étrange confusion ; les pauvres et beaucoup d’autres petites gens baptisèrent eux-mêmes leurs enfans et se marièrent sous la cheminée, par consentement réciproque, devant témoins. Par là, plus d’extraits baptistaires, plus de certitude des baptêmes, par conséquent des naissances, plus d’état pour les enfans de cette sorte de naissances qui put être assuré. On redoubla donc de rigueur contre des abus si préjudiciables… Du cri public et des murmures on passa à la sédition en quelques lieux ; elle alla si loin à Cahors qu’à peine deux bataillons armés purent empêcher les paysans de s’emparer de la ville… On eut grand peine à dissiper le mouvement dans le Quercy… En Périgord, les paysans se soulevèrent tous, pillèrent les bureaux, se rendirent maîtres d’une petite ville et de quelques châteaux. »

Le roi ne se borne pas à convertir, à prix d’argent, en offices héréditaires les services de l’état, il détruit ce qui reste des franchises et des libertés locales en s’emparant des charges municipales existantes ou en en créant de nouvelles pour les ériger en offices royaux et les vendre. Il allègue (édit d’août 1692) « que la cabale et les brigues ont eu le plus souvent beaucoup de part à l’élection des maires dans les principales villes,.. que les officiers ainsi élus,