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Dans les provinces, il suffira de mentionner, à titre d’exemples, la vente d’offices de substituts, d’avocats et procureurs du roi, pour 1 million ; — de simples offices de conseillers d’honneur dans les cours supérieurs et dans les présidiaux, pour près de 1,400,000 livres ; — d’offices de secrétaires du roi dans les chancelleries présidiales pour 3,600,000 livres, et d’offices de gardes des archives dans les parlemens et les cours supérieures pour 900,000 livres.

Le gouvernement d’ailleurs considérait moins le nombre et la nature des offices à créer que le produit à en tirer. Sur la fin de 1689, le parlement de Bretagne, transféré à Vannes en 1675, fut rétabli à Rennes, et l’occasion parut favorable pour y créer une charge de président et six charges de conseillers : la cour ayant réclamé, le contrôleur-général écrivit, le 25 septembre : « Pour ce qui est de réduire la création à quatre charges de conseillers, je ne puis que vous répéter que le roi s’est fixé à vouloir 500,000 livres, sauf à faire cette somme de quelque manière que ce soit. Le roi vous laisse le choix des expédiens. » Le trésor parvint à tirer 1 million de cette translation du parlement de Bretagne : la ville de Rennes donna 300,000 livres ; les bourgeois 200,000 livres, qu’ils imposèrent sur le loyer des maisons, qui devait augmenter par suite du retour du parlement, et celui-ci contribua pour 500,000 livres par la création d’un président et de six conseillers.

Le parlement de Toulouse s’étant montré peu disposé, en 1691, à acheter des charges qu’on se proposait d’y créer, un traitant offrit de s’en charger à forfait pour 500.000 livres ; mais le contrôleur-général fît savoir au premier président : « que le roi donnait la préférence à la compagnie pour la vente des offices de nouvelle création. » Le parlement était donc invité à acheter les nouveaux offices, non pour les éteindre, mais pour les revendre ; il répondit, « qu’il ne se trouvait pas en état d’exécuter cet engagement, n’ayant ni crédit, ni fonds pour les avances… » À la même époque, au contraire, la chambre des comptes de Montpellier acheta 429,000 livres toutes les charges nouvelles, sauf une, qui venaient d’y être établies[1].

Quand une cour de justice croyait pouvoir réclamer contre l’augmentation du nombre de ses membres, le contrôleur-général le prenait de haut avec elle. Le parlement de Besançon ayant enregistré (avril 1704), sous réserve de très humbles remontrances, un édit qui créait de nouveaux magistrats, Chamillart lui fit aussitôt répondre : « On sait bien que Sa Majesté veut que les enregistremens se fassent purement et simplement et qu’elle n’admet aucune remontrance par arrêt. » Il mande au procureur-général de la cour des aides, qui lui avait annoncé une députation chargée de remontrer

  1. Correspondance du contrôleur-général avec les intendans, t. I, II, 756, 771, 881, 939.