Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et des mousselines, des ceintures, du miel de roseau, appelé dans la langue du pays sacchari : le sacchari, vous l’avez deviné, est du sucre. Les uns trouvent sur ces points des cargaisons commandées à l’avance ; les autres vont à l’aventure et chargent leurs navires des objets que le marché plus ou moins bien approvisionné leur offre. Il n’existe point de roi sur la côte d’Azanie; chaque comptoir a son chef particulier.

Les Indiens avaient donc découvert le chemin de l’Afrique, ils le pratiquaient avant que les Égyptiens se fussent ouvert un chemin direct vers l’Inde ! La chose est trop invraisemblable pour qu’on s’arrête à cette hypothèse : il est bien plus probable que les marchandises indiennes d’Oponé et des comptoirs plus méridionaux encore y étaient, apportées d’Arabie par les Sabéens. Du Ras-Hafoun jusqu’au Ras-el-Khyle, sur un espace de 80 milles, on ne rencontre qu’un rivage rocheux dont la hauteur varie de 65 à 130 mètres. « C’est là, écrit le capitaine Owen, le Hazine, ou rivage dur des Arabes; au sud de Ras-el-Khyle, se déploie le Self Twil, le rivage chauve ; puis vient enfin le Horab, la contrée montagneuse. » Le capitaine Owen n’a fait que confirmer les renseignemens que nous avait déjà, transmis l’auteur du Périple. « Après Oponé, nous apprend cet excellent pilote, le rivage incline de plus en plus au midi et présente les grands et petits apocopa, autrement dit les grands et petits escarpemens de la côte azanienne. » Tout ce rivage est complètement dépourvu de ports; on y trouve cependant répandus, sur un espace de six journées de navigation, un certain nombre de mouillages où les navires peuvent à la rigueur jeter l’ancre. La côte continue d’incliner peu à peu vers la droite, en d’autres termes vers le couchant. Viennent successivement la petite et la grande plage dont on atteint l’extrémité après six autres jours de navigation, et, plus loin encore, les dromes ou flèches de l’Azanie. Le premier de ces droîues porte le nom de Sarapion, le suivant s’appelle le drome de Nicon. Redoublons d’attention, nous approchons de l’équateur. Le drome de Sarapion ne devait pas être très éloigné du village de Megadaska, fondé par les Arabes au cours du VIIIe siècle après Jésus-Christ, et le drome de Nicon serait, dans la pensée de Müller, le mouillage désigné par Owen sous le nom de Torra. De nombreux fleuves débouchent ensuite à la mer, d’autres mouillages séparés par plusieurs jours de marche se présentent. En somme, on en compte sept jusqu’aux îles Pyrala et jusqu’à un endroit qu’on appelle la fosse.

Je ne reconnais pas dans ces détails un peu vagues la précision habituelle de l’auteur du Périple; sa concision me laisse soupçonner qu’il n’a pas visité lui-même ces parages et que nous n’avons