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humaine; elles rappellent celles que l’on peut voir sur les rochers du Far West, celles d’Uxmal ou bien celles du Rio del Busang. Cette empreinte, qu’elle soit empruntée à un mythe historique ou à un mythe mythologique, joue un grand rôle en Amérique. On la trouve reproduite dans des régions bien éloignées les unes des autres, se détachant sur les poteries tantôt en rouge sur un fond noir, tantôt en noir sur un fond rouge. De nos jours encore, nous la voyons servir de totem ou d’armes parlantes à des tribus indiennes. Schoolcraft a parlé d’une grande réunion de guerriers, venus pour entendre une communication, qu’il était chargé de leur faire au nom du gouvernement des États-Unis: la plupart d’entre eux étaient nus et portaient sur leurs épaules ou sur leur dos l’empreinte d’une main trempée dans de la peinture blanche, souvenir peut être d’ancêtres inconnus.

Tout ce que nous venons de dire témoigne d’un art encore primitif. Ces hommes, si barbares qu’ils paraissent, étaient capables d’atteindre plus haut. C’est ce que prouvent des œuvres d’une époque manifestement postérieure. Le Guatemala, cette vieille terre des Quichés et des Cakchiquels, est couvert de rumes. Les bas-reliefs, les statues, les monolithes chargés d’arabesques et atteignant jusqu’à 20 pieds de hauteur se dressent à chaque pas devant le voyageur. A Quirigua, petit port sur le golfe de Honduras, on a trouvé une statue de femme, dont les pieds et les mains manquent et qui porte sur sa tête une idole couronnée; tout à côté, les fouilles ont donné une tête de tigre en roche porphyritique. La terreur que ce grand félidé inspirait l’avait fait admettre au rang des dieux. A Santa-Lucia-Cosumalhuapa, au pied du volcan del Fuego, parmi des blocs de pierre cyclopéens et des statues de tapirs ou de caïmans, gisent des têtes colossales en pierre, d’un type étrange, inconnu jusqu’ici. Deux de ces têtes portent les immenses boucles d’oreille caractéristiques des anciens Péruviens et sont coiffées d’un turban qui se rapproche de celui des Asiatiques. Plus loin, sont des bas-reliefs sculptés sur des roches porphyritiques très dures. Ces bas-reliefs, plus grands que nature, représentent des personnages aussi bizarres comme conception que comme exécution, des scènes mythologiques qui ne se rapportent à aucun culte connu. Voici un chef ou un dieu assis sur son trône: l’oreille est distendue par un anneau d’une taille et d’un poids considérables; dans la main droite, il tient un instrument, insigne sans doute de son autorité, et que nous ne saurions mieux comparer qu’à une de nos rames. Le bas-relief le plus intéressant représente un sacrifice humain : le personnage principal est un prêtre; il est nu, et, selon l’usage des prêtres aztèques, il porte une jarretière autour de la jambe droite;