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d’Arago renferme sur cette même question de précieux détails très bien classés et coordonnés.

Nous n’en finirions pas si nous voulions énumérer tous les progrès accomplis, toutes les observations, toutes les expériences, et, à plus forte raison, si nous entrions dans les détails. Tout en rendant pleine justice à une foule de météorologistes dont nous omettrons volontairement les noms, nous limiterons ce modeste essai aux seules découvertes saillantes et instructives.

C’est à peu près vers l’année 1850 que M. de La Rive, physicien genevois, a voulu fonder la théorie définitive de l’aurore boréale, si tant est qu’une théorie au sujet de ce météore puisse être définitive. Non content de collationner de nombreux témoignages, de les discuter, de les approfondir, le savant suisse a cherché à reproduire le phénomène lui-même et il a merveilleusement réussi.

Un premier point qui, loin d’être fixé, est encore discutable, concerne la hauteur approximative du météore au-dessus du sol. Tantôt deux observateurs, séparés par une distance d’un millier de kilomètres, affirment avoir vu la même aurore en même temps et sous le même aspect; d’autres fois l’apparition n’est visible que dans un rayon de quelques lieues. Mairan, se fondant sur certains calculs non sans portée, concluait à une élévation de 2 ou 300 lieues. Bravais, plus modeste, a proposé 150 kilomètres, comme valeur moyenne. D’autres auteurs ont admis que les fusées les plus élevées planent à 800 kilomètres d’altitude.

M. de La Rive fait table rase ou à peu près de toutes les données antérieures. Selon lui, les aurores boréales, fort basses en réalité, ne dépassent guère la zone des nuages; on en a même aperçu qui se projetaient sur le flanc des montagnes (observation de Parry). On voit que les contradictions ne font pas défaut. A l’appui de son opinion sur la faible hauteur du météore, M. de La Rive cite des cas bien constatés de bruissemens entendus pendant la manifestation de l’aurore ; plusieurs fois une senteur sulfureuse a été perçue. Le pétillement qu’occasionnent certaines décharges électriques lentes, l’odeur de l’oxygène électrisé ou ozone, sont tout à fait analogues. Des explorateurs, des aéronautes ont même prétendu avoir traversé l’aurore boréale, ou du moins le brouillard qui lui donne naissance, suivant l’opinion de M. de La Rive.

Arago avait pressenti la nature électrique du météore, dont il pouvait prédire les apparitions en consultant la boussole. Au reste, les faits abondent qui prouvent jusqu’à l’évidence la connexité qu’il y a entre les aurores et les phénomènes magnétiques. Tessan, en 1818, voyageant sur la Vénus, rapporte qu’à la suite de la manifestation d’une belle aurore, tous les compas du navire s’affolent et