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d’insubordination, le triomphe de l’autorité militaire sur l’autorité civile; ce sera un triomphe remporté sur la constitution de ce pays, et je prie ardemment le ciel que ce ne soit pas dans ses effets et dans ses conséquences extrêmes un triomphe remporté sur les libertés publiques. »

L’orateur qui répondit le 2 février à Clay, Poindexter, se fit, dans un discours qui produisit un grand effet, l’avocat et l’apologiste passionné de Jackson. Il rappela l’invasion repoussée, le territoire agrandi, les armes américaines couvertes de gloire. Il demanda si, après de tels services, les représentans de la nation n’auraient à offrir au vainqueur d’autre récompense qu’un vote de censure.

La chambre, après vingt-sept jours de discussion, passa au vote sur les résolutions suivantes :

1° Le comité blâme-t-il l’exécution d’Arbuthnot et d’Armbrister?

2° Y a-t-il lieu de faire une loi pour interdire l’exécution des prisonniers par un général?

3° La prise de Pensacola et du fort Barancas est-elle contraire à la constitution?

4° Y a-t-il lieu de faire une loi pour interdire l’invasion d’un territoire étranger sans l’autorisation préalable du congrès, excepté pour la poursuite immédiate d’un ennemi vaincu?

Sur toutes ces questions, la majorité se prononça pour la négative.

Le sénat, qui avait de son côté renvoyé l’examen de l’affaire à un comité, semblait moins disposé que la chambre des représentans à accorder à Jackson un bill d’indemnité. Le 24 février, le sénateur Lacock présenta le rapport du comité, dont la majorité proposait un blâme. Jackson envoya pour sa défense un long mémoire; l’impression des documens fut ordonnée, mais on traîna en longueur et, par un accord tacite, on laissa la question sans solution.

Pendant ces débats, Jackson n’avait pas quitté Washington. Il se montrait exaspéré des attaques dont il était l’objet : la violence et la grossièreté de son langage dépassaient toute mesure, et il ne parlait de rien moins que de couper les oreilles des membres du comité du sénat qui avaient osé se prononcer contre lui. Il prenait soin d’ailleurs de provoquer de toutes parts de bruyantes démonstrations populaires, et, suivant la coutume des courtisans de la multitude, il opposait complaisamment aux délibérations régulières des assemblées les manifestations plus ou moins éclairées et plus ou moins spontanées de l’opinion. Il se rendit ainsi successivement à Philadelphie et à New-York pour assister à des fêtes organisées en son honneur. Des salves d’artillerie annoncèrent son arrivée dans la