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assez différente. Le département de Constantine où se rencontre, par bonne fortune, le plus grand nombre des terres utilisables du domaine est éminemment propre à la culture. Le mouvement de la ville et de la province d’Oran est, quant à présent, plutôt commercial et industriel. Alger, avec sa capitale où résident les hauts fonctionnaires de l’administration et qui attire tant d’étrangers par la douceur de son climat et par la gracieuse beauté de ses environs, participe de la nature des deux départemens entre lesquels il est placé. S’il convenait d’accorder quelques compensations aux deux provinces les plus pauvrement dotées sous le rapport des centres à constituer, c’est au gouverneur qu’il faudrait s’en remettre de cette tâche. A lui d’aviser sous sa responsabilité ; et, de bonne foi, il n’aura que l’embarras du choix. Est-ce que, pour venir efficacement en aide à la colonisation, il n’y a pas d’autres moyens à employer que la création de nouveaux villages ? Les voies de communication se rattachant aux stations de chemins de fer ne manquent-elles pas un peu partout en Algérie ? La sécurité y est-elle aussi complète qu’on pourrait le souhaiter et le dicton mis de vieille date en circulation, d’après lequel une jeune fille pourrait parcourir toutes nos possessions africaines de Tunis au Maroc avec une couronne d’or sur la tête, n’est-il pas singulièrement exagéré ? Les Arabes ne sont pas détrousseurs de grands chemins, il est vrai, mais ce sont d’habiles voleurs de bœufs, et ils savent très bien comment s’y prendre pour récolter, pendant la nuit, des moissons qu’ils n’ont pas semées. Il y aurait tout avantage à ce que sur l’ensemble des fonds considérables qu’on va probablement mettre à sa disposition, M. Tirman fût autorisé à en dépenser une portion dans les départemens d’Alger, d’Oran, et même un peu partout, afin d’ouvrir des chemins donnant accès aux terrains où l’on voudrait introduire la culture européenne. Les localités auraient tort de se plaindre qui, au lieu de quelques villages nouveaux, verraient s’établir à leur portée quelques brigades de gendarmerie. Je ne veux pas dire de bons et honnêtes gendarmes accoutrés du lourd uniforme français, se promenant deux à deux sur les routes, afin de porter les dépêches des autorités et verbaliser, le cas échéant, sur les délits dont ils sont par hasard témoins. J’entends parler des gendarmes auxiliaires, vêtus comme les indigènes, parlant leur langue, et capables de surveiller et d’atteindre partout les délinquans. Pour les détails des mesures à prendre, les meilleurs juges ne sont-ils pas le gouverneur-général qui est sur les lieux et les fonctionnaires placés sous ses ordres ? C’est ici qu’il importe de faire la part large, sauf contrôle, aux agens d’exécution. Le pire serait d’arriver, avec ou sans parti-pris, à la confusion des