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relierait directement à Paris. Les partisans de ce système allèguent qu’il y a intérêt à conserver un réseau d’état comme modèle, comme spécimen, afin que l’administration publique puisse se rendre compte du fonctionnement des chemins de fer, étudier par elle-même les réformes utiles, expérimenter les meilleurs régimes de tarifs, et contrôler ainsi plus efficacement l’exploitation des autres compagnies. Tel est le principal et même le seul argument, à l’appui du maintien du réseau de l’état.

Cet argument nous paraît très contestable. Est-ce que le gouvernement a besoin d’opérer lui-même pour apprendre en quoi consiste l’exploitation d’une voie ferrée ? Est-ce que le ministère des travaux publics, avec son armée d’ingénieurs, d’inspecteurs, de commissaires, n’est pas complètement en mesure de connaître tous les détails du service, de contrôler les tarifs, de conseiller et même d’imposer les réformes ? Ce réseau modèle, ce réseau spécimen, que l’on imagine d’entretenir comme un musée, n’est vraiment pas utile pour stimuler le progrès en matière de chemins de fer, sans compter que ce laboratoire pourrait devenir très coûteux. Les compagnies sont incitées par leur propre intérêt à entreprendre les expériences que conseille l’intérêt public, elles possèdent le capital et les ressources qui leur permettent de réaliser les améliorations ; elles ne résisteraient pas aux demandes légitimes du gouvernement ou de leur immense clientèle. Cela doit suffire et suffit amplement au progrès technique dans l’exploitation. Il n’y a donc pas de raison sérieuse pour déroger au principe général, en laissant subsister l’exception d’un réseau de l’état à côté des réseaux livrés aux compagnies. Ce serait une contradiction. Si l’on décide que le régime des compagnies est préférable au régime de l’état, cette décision, une fois prise, doit s’appliquer à la totalité de nos chemins de fer et elle a pour conséquence logique la suppression de ce réseau parasite, mal constitué, dont l’existence n’a d’ailleurs jamais été considérée que comme provisoire. Au point de vue de la dépense, le changement de régime procurera sans doute une économie pour le trésor. Actuellement, l’exploitation est onéreuse, et il est impossible d’évaluer exactement les pertes variables du prochain exercice, au moment où l’on prépare le budget. Concédées à une compagnie, les lignes de l’ancien réseau de l’état pourront être moins improductives parce que leur exploitation, se confondant avec le service de parcours plus étendus, profitera d’une augmentation de transports et d’une diminution de frais généraux. Si le trésor doit allouer des subventions ou des garanties d’intérêt à la compagnie concessionnaire, le sacrifice qui lui sera imposé sous cette forme sera probablement moindre que la perte annuelle de l’exploitation directe ;