Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/824

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette conception grandiose, trop profonde pour le XVIe siècle, passa alors à peu près inaperçue, et il faut en venir jusqu’à Cuvier pour trouver plus nettement exprimée l’idée de types fondamentaux communs à toute une série d’êtres. De fait, la notion d’un type uniforme est maintenant devenue banale : il n’est pas un aspirant bachelier qui ne la possède. Toute une science s’est fondée sur la comparaison des divers types de la série animale. Il existe aujourd’hui une science qui s’appelle la morphologie générale, et qui enseigne que, dans toute la série des êtres, on passe par les variations d’un seul et même type d’être. Le squelette de l’homme et le squelette d’un mammifère quelconque sont parfois tellement analogues qu’il faut, pour les distinguer, être déjà quelque peu versé dans l’anatomie. On passera facilement des mammifères aux oiseaux, des oiseaux aux reptiles et aux poissons. Le même type se retrouve toujours : des vertèbres, surmontées d’un crâne plus ou moins large ; deux membres attachés au thorax ; deux membres attachés au bassin. Voilà ce qu’on trouve chez tous les vertébrés, qu’il s’agisse de l’homme, du singe, de l’aigle, ou de la grenouille.

Par son squelette, l’homme est animal au même titre que le singe, l’aigle et la grenouille.

En est-il autrement des autres organes ? Qui oserait le prétendre ? Le tube digestif ne varie que par des détails anatomiques de peu d’importance. Un estomac d’homme et un estomac de chien se ressemblent à ce point qu’on peut s’y méprendre. Quant au cœur, il est, chez l’un et l’autre, formé de quatre cavités qui ont exactement les mêmes rapports et les mêmes fonctions. On pourrait même, quelque étrange que paraisse cette supposition, concevoir un homme qui vivrait avec un cœur de chien ou un cœur de cheval ; la circulation du sang se ferait chez cet homme-là aussi bien que chez tout autre. On pourrait encore lui supposer un poumon d’âne ou un poumon de veau : il respirerait aussi bien qu’avec son poumon d’homme.

Les tissus homologues sont chez tous les êtres vivans de même nature, ou peu s’en faut ; et leur conformité est étonnante. Muscle de cheval, de bœuf, de chien ou d’homme, c’est toujours le même tissu. Os, glandes, foie, nerfs, tous ces tissus se ressemblent dans la série animale. Entre le sang de l’homme et le sang d’un autre vertébré il n’est que des différences insignifiantes. Ce sont toujours de petits globules rouges nageant dans un sérum peu coloré. La forme est la même ; et la composition chimique est la même aussi, comme toutes les analyses le prouvent. Ce qui démontre l’extrême ressemblance des deux liquides, c’est qu’on peut remplacer notre sang humain par du sang de mouton ou du sang de veau. Qu’un homme, épuisé par des hémorragies répétées, soit sur le point de succomber, la vie reparaîtra comme par miracle si l’on fait la