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assurait que l’âge et les infirmités n’avaient pas entièrement modifié son naturel. Mazarin résolut d’user de cette disposition dans notre intérêt et de s’emparer de l’esprit du roi en installant auprès de lui une Française assez belle pour lui plaire, assez adroite pour le retenir, assez docile pour se laisser guider par les conseils qu’elle recevrait de Paris. C’est dans ce dessein que, par une diplomatie savante, il accoutuma peu à peu le roi à l’idée de se remarier en France. Au commencement de 1645, ce premier résultat était acquis ; Wladislas déclarait « qu’il ne prendrait jamais femme que de la main de la reine très chrétienne[1]. »

« On n’aura pas grand’peine à lui donner satisfaction, écrivait Mazarin à ce sujet, n’y ayant faute de partis sortables[2]. » On eût pu en compter jusqu’à dix. Le plus éclatant était Mlle de Montpensier, cousine du jeune Louis XIV ; Mlle de Longueville, belle-fille de la célèbre duchesse de ce nom, se recommandait surtout par sa beauté ; Mlles d’Épernon et de Guise se distinguaient par de hautes qualités. Le nom de chacune de ces princesses fut tour à tour mis en avant, puis abandonné. Aucune ne répondait parfaitement aux vues du premier ministre ; et puis, se fussent-elles souciées d’échanger le rang qu’elles tenaient à la cour contre une royauté lointaine et peut-être éphémère ? Pour qu’elle pût devenir l’objet d’une négociation sérieuse, Mlle de Montpensier fut jugée trop jeune ; Mlle de Longueville était trop occupée, Mlle d’Épernon trop dédaigneuse, Mlle de Guise trop sage. Mazarin se souvint alors que, sept ans auparavant, la vue d’un portrait avait fait naître chez Wladislas un goût prononcé pour une princesse française, sinon par l’origine, du moins par l’éducation et le cœur. La famille de Louise-Marie de Gonzague se rattachait à l’illustre maison italienne dont elle portait le nom, mais en formait une branche distincte, fixée depuis longtemps en France, où elle possédait le duché de Nevers. Les belles gravures que Mellan et Nanteuil nous ont laissées de la jeune fille permettent de nous rendre compte de l’impression produite sur le roi de Pologne. A contempler ce noble et gracieux visage, ce front pur, ces cheveux noirs retombant des deux côtés en boucles soyeuses, ce col élancé, cette taille mince emprisonnée dans le long et étroit corsage du temps, il est facile de s’expliquer le rang élevé que l’admiration publique avait décerné à Marie parmi les beautés de la cour. S’il n’eût écouté que ses préférences, le roi de Pologne lui aurait offert de partager sa couronne, mais les influences autrichiennes qui prévalaient encore

  1. Ministère des affaires étrangères, Correspondance de Pologne. (Dépêche du 20 avril 1645.)
  2. Correspondance de Mazarin, publiée par M. Chéruel. (Lettre du 16 décembre 1644.)