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quelques-uns des nombreux malentendus qui surgissent entre les citoyens errans des États-Unis et les enfans du vieux monde honorés de leur visite. Miss Lily Mayhew rencontre en wagon, dès son arrivée, un bel officier autrichien avec lequel, sans hésiter, elle engage conversation comme elle le ferait avec un de ses compatriotes. Ce ne sont pas là des habitudes italiennes ni allemandes ; l’officier se croit encouragé, l’aborde quand elle passe, lui écrit, la poursuit au bal masqué, finit par la demander en mariage et s’adresse maladroitement pour cela au professeur Elmore qui représente provisoirement la famille de miss Lily, sans se douter qu’on ne peut tenir une Américaine que d’elle-même ni qu’une démarche de ce genre doive être précédée de longs préliminaires. Le professeur, effrayé de la responsabilité qui pèse sur lui, s’il laisse sa pupille se marier loin des siens et loin de son pays, persuade à la jeune fille que les mariages internationaux ne sont pas pour réussir, grâce aux barrières qu’élèvent entre deux époux les différences de race, de langue, d’éducation, de religion ; bref il la ramène saine et sauve en apparence à sa famille ; mais un regret réel est resté dans le cœur de Lily avec le souvenir du bel Autrichien. Ne la plaignons pas outre mesure ; elle prendra le dessus ; sa première jeunesse passée, elle finira par épouser très raisonnablement un clergyman. La morale de cette histoire, c’est que les voyages ne sont pas toujours salutaires aux jeunes Américaines. Ils peuvent avoir leur utilité en les séparant des parties de plaisir quotidiennes, des hommages, de l’incessante flirtation dont elles ont l’habitude, en les forçant de prendre intérêt à l’histoire, aux beaux-arts, à l’humanité en général, à quelque chose enfin qui ne soit pas elles-mêmes ; mais combien de fois arrive-t-il aussi qu’elles cherchent et qu’elles retrouvent en Europe les mêmes frivolités qu’en Amérique accompagnées de dangers inconnus ? Et avant tout elles sont dangereuses aux autres, comme l’éprouva le pauvre capitaine von Ehrhardt lors de sa rencontre avec miss Lily.

Howells, à qui ne manque ni le sentiment de la nature ni l’art de la description, se plaît à nous faire voir du pays. Dans the Undiscovered Country, par exemple, nous explorons avec les citadins fatigués de la vie nerveuse, turbulente, exaspérée des grands centres, ces montagnes vertes qui abritent le paradis terrestre des trembleurs ; dans a Modern Instance, nous passons d’un froid village de la Nouvelle-Angleterre, presque enseveli sous la neige, à un logging-camp où l’œuvre des défrichemens est dirigée par le plus amusant des pionniers, puis de Boston aux villes neuves de l’Ouest ; l’Aroostook nous transporte du Massachusetts à Venise, où nous nous attardons volontiers avec a Foregone Conclusion ; mais c’est dans