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la pairie, le fief de Valentinois et beaucoup d’autres avantages. Désormais, ils n’allaient avoir pour subsister que les 40,000 ou 50,000 fr. que la principauté, en la pressurant bien, pouvait donner tous les ans. Victor-Emmanuel Ier avait bien promis, par le traité de Stupiniggi, de leur confier des charges, de leur accorder de grandes faveurs et le droit de conférer des décorations autant que bon leur semblerait, mais le royaume de Savoie était aussi honnête que pauvre et pour des exilés de Versailles, charges honorifiques, faveurs royales et décorations à volonté semblaient un maigre régal.

Le prince Honoré, souverain de Monaco, Menton et Roquebrune, — grâce, ne l’oublions pas, à une garnison piémontaise de 500 hommes, — inventa, pour augmenter ses revenus, les combinaisons fiscales et fantastiques que voici. Nous les tirons de l’ouvrage de M. Abel Rendu[1]. Ce n’est pas chose inutile, car ce résumé donnera aux lecteurs un aperçu de l’industrie et du pauvre commerce de la principauté de 1815 à 1848.

Les citrons et orangers en caisse et en garenne payèrent indistinctement un droit de 3 francs par mille; les huiles, 50 centimes par rup, c’est-à-dire par 25 petites livres de 12 onces chacune. La commune de Monaco possédait quatre moulins à huile, respectés par les administrations antérieures ; une ordonnance les réunit au domaine, puis les propriétaires des moulins, obligés de les fermer sans avoir reçu d’indemnités, furent tenus, comme les autres habitans, d’aller triturer leurs olives dans les moulins du souverain. Le timbre, l’enregistrement, les droits de chancellerie, les hypothèques, les droits de succession en ligne collatérale, et même en ligne directe, perçus sous le gouvernement français, furent rétablis, s’étendant aux propriétés dans les autres états lorsque les habitans du pays durent en faire mention dans leurs actes. Les taxes succédèrent aux taxes. Ainsi : 1° un droit de 2 pour 100 sur toutes les marchandises introduites dans la principauté; 2° de 7 sous par pinte sur toute espèce de liqueurs; de 10 sous sur tout rup de vin et huile de pays; de 30 sous par chaque millier d’oranges ou de citrons importés, de 30 sous pour toute charge de grain. Les raisins indigènes qui payaient, sous le gouvernement français, 11 sous à leur entrée en ville, furent taxés à 40; les vermicelles, principal aliment de la classe ouvrière, devinrent par suite le monopole d’un spéculateur étranger. Les poudres, munitions de chasse, les pipes, les cartes, les chapeaux de paille constituèrent également un monopole. Parurent ensuite les droits provenant de l’abatage, de l’arrosage et du pacage, qui aidèrent à remplir la caisse d’Honoré. Une fabrique de toute

  1. Menton et Monaco, par Abel Rendu, 1867.