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d’asile au dernier des tripots. Il ne faudrait pas objecter que l’histoire d’une toute petite terre et des principicules qui l’ont gouvernée est sans intérêt. La Grèce a rempli l’univers de la gloire de ses armes, de ses poètes et de ses artistes. On pourrait gager qu’il n’est pas une ville européenne, ni peut-être une grande cité du Nouveau-Monde où Monte-Carlo ne puisse se flatter de compter quelqu’une de ses victimes.

On trouve, en cherchant, tout ce qu’on veut trouver, même des aïeux qui remontent à Charlemagne, et au-delà. Les Grimaldi, — dont descend, par Louise-Hippolyte, princesse de Monaco, le souverain actuel, — n’ont rien à voir avec les ancêtres que leur ont attribués de trop complaisans généalogistes[1]. Le premier Grimaldi dont il soit question dans les archives d’état de Turin sur Monaco est un guelfe, François Grimaldi, surnommé à juste titre : Malizia. Déguisé en moine, le Malicieux pénétra pendant la nuit de Noël dans la petite ville monégasque, occupée alors par des gibelins, gens de Nicolas Spinola, chef de la puissante maison génoise de ce nom. Son déguisement sous un costume religieux et son choix d’une nuit de Nativité pour accomplir une telle aventure durent faire crier au sacrilège et scandaliser les fidèles de sainte Dévote, patronne de la principauté[2]. Et pourtant, depuis cette époque, d’après M. Abel Rendu[3], les armes des Grimaldi ont pour support deux moines qui, d’une main, tiennent l’épée haute et qui, de l’autre, soutiennent l’écu. Les Spinola ayant, peu de temps après, reconquis Monaco, les Grimaldi leur achetèrent en 1338 moyennant 1,280 florins d’or, la concession qui leur avait été faite du pittoresque rocher dès 1303 par Charles le Boiteux, roi de Naples et comte de Provence. Souverains légitimes de Monaco, mais toujours en qualité de vassaux et de feudataires des comtes de Provence, dont leurs galères portaient le pavillon, les Grimaldi achetèrent encore, vers le milieu du XIVe siècle, la souveraineté de Menton et Roquebrune, appartenant aux familles Vente et Lascaris[4]. La principauté se trouva dès lors constituée telle qu’elle devait se maintenir jusqu’à nos jours.

En 1446, Jean Grimaldi, prince de Monaco, jure fidélité et fait hommage à Philippe Visconti, duc de Milan, devenu seigneur de

  1. Venasque Ferriol, Genealogica et historica Grimaldœ gentis Arbor, 1647.
  2. Hugues, prince de Monaco fit couper les oreilles et le nez au capitaine Antinope, qui avait volé les reliques de sainte Dévote. — Le prince Raynier III fit arrêter à Menton les cardinaux qui suivaient l’antipape Clément VII à Avignon, et les contraignit à restituer les reliques de la sainte et la verge de Moïse qu’ils avaient emportées avec eux de Rome. (Annuaire de la principauté de Monaco, 1882.)
  3. Menton et Monaco, par Abel Rendu.
  4. Le Jeu public et la Principauté de Monaco, par M. le docteur Prompt.