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car on ne peut prendre pour une guerre l’expédition anglaise en Égypte, — et une année de paix intérieure pour tous les pays, puisque nulle part il n’y a eu ni révolutions ni insurrections. Ce n’est point une phase de grands événemens ou de grandes explosions, pas plus pour la France que pour les autres peuples. La France, à part quelques incidens de sédition qui se dénouent devant la justice régulière et qui ne laissent pas d’être toujours assez mystérieux, la France est restée assurément la plus tranquille des nations. On ne peut pas dire qu’elle soit indifférente à tout ce qui se passe; elle n’en est pas du moins troublée, et, au milieu des excitations des partis qui ont vainement cherché à l’émouvoir, elle n’a pas cessé d’être ce qu’elle est naturellement, laborieuse et calme, peu disposée à encourager les agitations ou les aventures. À cette heure même où l’année s’achève, tout semble suivre, au moins momentanément, un cours à peu près régulier et assez pacifique. La discussion de tous les budgets, qui soulevait tant de discussions sérieuses et délicates, a été vive, animée dans les deux chambres, au Luxembourg comme au Palais-Bourbon; elle n’a point été l’occasion ou le prétexte de crises nouvelles. Le ministère, qui semblait fort menacé avant la session, a réussi à se tirer d’affaire ; il demeure à peu près intact, peut-être même un peu raffermi après ces débats, de sorte que, pour le moment du moins, on en est quitte de ces menaces de crises ministérielles, de conflits dont les partis se font un jeu, — qui ne sont sûrement pas dans le goût du pays.

Oui sans doute, cette année qui expire aujourd’hui, elle a été préservée des grands troubles par la sagesse du pays lui-même, et elle finit mieux ou, si l’on veut, moins mal qu’on ne pouvait le présumer; elle garde l’apparence d’une période régulière où le budget est voté, où il y a un ministère en paix avec le parlement, où les affaires suivent leur cours sans interruption. Et cependant, il n’y a point à s’y tromper, elle ne comptera pas parmi les années heureuses et elle ne laissera pas de brillans souvenirs. Elle se résume dans l’histoire de trois ministères, dont deux au moins n’ont pas pu vivre, et dans une succession d’incidens conduisant la France à une sorte de guerre intestine des croyances, aux confusions financières, à une abdication de politique extérieure dans une question d’influence traditionnelle. Elle est destinée peut-être à rester une date décisive pour la république, et cette fois on ne peut pas dire que si on n’a pas réussi, si on a tristement échoué, c’est parce qu’on n’avait pas assez de pouvoir et de liberté d’action, parce qu’on avait à compter sans cesse avec une opposition systématique, avec des adversaires assez puissans pour contrarier tous les desseins, avec ce qu’on appelle des adversaires systématiques; les monarchistes de toutes les nuances ne sont depuis longtemps