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promoteurs de ces méthodes sont principalement A. Becquerel et M. Frémy. Le premier de ces deux savans a consacré plusieurs années de sa longue et laborieuse existence à l’étude de procédés dont nous allons indiquer le principe et certains modes opératoires. On sait qu’un grand nombre de dissolutions salines se décomposent mutuellement en donnant naissance à un précipité peu soluble. Généralement, le nouveau corps est une poudre informe dont chaque grain n’offre souvent aucune trace de cristallisation, même quand on l’observe au microscope à de forts grossissemens. La rapidité avec laquelle la double décomposition s’effectue est un obstacle au développement de cristaux nettement conformés ; il s’agissait donc d’atténuer l’intensité du phénomène. Un moyen employé par Becquerel consiste à opérer le mélange des deux dissolutions au travers d’une cloison poreuse en papier non collé, en parchemin ou en terre cuite. Les liquides actifs filtrent lentement au travers de la matière qui les sépare, et alors, de chaque côté, on voit, au bout de quelque temps, apparaître des cristaux. On peut encore disposer les deux dissolutions dans des vases distincts et les mettre en communication par un fil de coton ou une mèche d’amiante. Les liquides montent par capillarité dans l’épaisseur du conducteur poreux interposé, se rencontrent en son milieu, s’y décomposent et le couvrent de cristaux.

Les procédés utilisés par Becquerel ont été également pratiqués par M. Frémy pour obtenir diverses substances cristallisées, mais la synthèse la plus remarquable opérée par lui se rattache à une autre méthode ; c’est celle du corindon et de ses congénères minéralogiques (rubis, saphir, etc.) qu’il a effectuée en revenant à l’emploi de la voie sèche. Aidé d’un habile industriel, M. Feil, il a pu obtenir, non plus de simples spécimens de collection, mais de véritables pierres précieuses d’un éclat et d’une beauté incomparables. L’opération a pour fondement la production d’un aluminate faible et la décomposition ultérieure de cet aluminate par une substance siliceuse. La double réaction se fait à la température du rouge vif. L’alumine s’isole lentement au sein du fondant produit et cristallise. Après refroidissement du creuset, on recueille un culot divisé en deux couches : l’une homogène, formée par un silicate vitreux; l’autre lamelleuse, creusée de géodes remplies de beaux cristaux d’alumine qui possèdent des teintes rouges ou bleues, quand les matières mises en œuvre ont été additionnées de minimes quantités de substances minérales colorantes. Ces produits, qui figuraient à l’exposition universelle de 1878, en étaient l’une des richesses les plus remarquées.

Dans ces dernières années, le laboratoire de minéralogie de la Sorbonne