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fluorhydrique et les fluorures ont toujours été peu abondans; le fluor qui entrait dans leur composition n’a pas disparu, et si l’on compare sa quantité actuelle dans la nature à celle des composés considérés comme engendrés par son influence, on trouve une disproportion frappante. Le savant chimiste ne se méprit pas sur la portée de l’argument qui lui était opposé, mais, au lieu de se perdre dans une discussion sans issue, il chercha la réponse dans des expériences nouvelles. Une quantité limitée de fluorure peut-elle engendrer une quantité indéfinie d’oxyde cristallisé? Telle était la question posée. L’énoncé seul de cette proposition, étrange en apparence, aurait fait reculer un homme de science moins hardi. Pour lui, il accepta sans arrière-pensée le problème posé en ces termes. « Je suis habitué, disait-il, à voir l’utopie de la veille devenir la réalité du lendemain. » Par une suite de preuves expérimentales, il démontra la possibilité du fait énoncé et en trouva l’explication. Citons seulement l’une de ses expériences les plus simples. Dans un tube chauffé au rouge on introduit une certaine quantité d’un oxyde amorphe, pulvérulent, et sur la substance ainsi chauffée, on fait passer des vapeurs d’acide fluorhydrique; ces vapeurs sortent du tube à l’extrémité opposée, et on les y recueille avec soin. On constate alors qu’elles ne se sont modifiées en aucune façon; ni leur constitution ni leur quantité n’ont changé; elles sont telles qu’elles étaient avant de pénétrer dans l’appareil. Cependant l’oxyde soumis à l’expérience a, sous leur influence, subi une transformation complète; ce n’était avant l’opération qu’une poussière sans forme et sans consistance; maintenant c’est un corps admirablement cristallisé qui tapisse de ses lamelles étincelantes les parois intérieures du tube. De plus, on constate encore un autre phénomène curieux : l’oxyde en question n’est pas volatil; cependant on observe qu’il s’est transporté durant l’opération. Si on l’a déposé d’abord du côté par lequel a lieu l’entrée des vapeurs, c’est vers l’extrémité opposée de l’appareil qu’on le trouve accumulé à la fin du travail. L’explication de ces faits intéressans se présente pour ainsi dire d’elle-même à l’esprit quand on connaît les propriétés chimiques de l’acide fluorhydrique; on peut la résumer comme il suit : l’acide, en pénétrant dans le tube, attaque les premières particules d’oxyde qu’il rencontre et les transforme en un fluorure volatil; puis, le fluorure ainsi produit, se décomposant bientôt à son tour, régénère un peu plus loin l’oxyde; seulement, tandis qu’il l’avait pris amorphe, il le dépose cristallisé. De plus, l’acide fluorhydrique, qui avait fourni l’un des élémens du fluorure, se trouve reproduit par la destruction de celui-ci, et l’on comprend dès lors qu’il sorte de l’appareil tel qu’il y est entré. Ce puissant agent, bien