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preuve en cette occasion lui était habituelle, non-seulement envers les maîtres de la science, mais encore envers le plus humble de ses élèves. Une collaboration n’était pas pour lui un simple patronage; quand il avait accepté une association, sa part dans le labeur commun était considérable; le maître et l’élève, oubliant l’inégalité de leur rang, confondaient fraternellement leurs efforts. Ces circonstances expliquent la somme énorme de travaux produits en quelques années dans le laboratoire de l’Ecole normale. L’impulsion donnée subsistera longtemps encore, malgré le vide causé par la mort de celui qui en a été le promoteur.

Les synthèses minérales qu’il a effectuées ont été opérées par des méthodes diverses. Ses premières recherches ont eu pour point de départ les expériences de Gay-Lussac et de M. Daubrée sur la décomposition des substances volatiles à haute température. Les chlorures volatils avaient seuls été mis en œuvre dans les expériences antérieures. Après avoir exactement déterminé les conditions de décomposition de ces agens et démontré le rôle limité qu’ils avaient joué dans la nature, il fit porter ses investigations sur une autre classe décomposés, sur les fluorures, dont l’intervention puissante aux époques anciennes est révélée par les observations géologiques. L’acide fluorhydrique, auquel ces corps doivent naissance, est un acide doué d’une extrême énergie; peu de matières résistent à son action, aussi la production des fluorures peut-elle être considérée comme facile. Ces corps une fois produits, il s’agissait de les soumettre à haute température à des actions décomposantes. Les chlorures, en se détruisant au rouge, engendrent des oxydes cristallisés ; de même, les fluorures devaient en développer, mais plus nombreux et plus variés. Vérifier cette conception théorique fut pour Sainte-Claire Deville l’œuvre de quelques mois. Un collaborateur distingué, que la mort devait enlever peu de temps après, le colonel Caron, lui prêta un concours dévoué; une série d’expériences conduites avec art fournirent de merveilleux produits; les collections publiques s’enrichirent de spécimens aussi beaux à la vue qu’intéressans pour l’histoire naturelle. Des rubis, des saphirs plus brillans et plus larges que ceux d’Ebelmen, du corindon vert, du zircon, du rutile, de la cymophane, des oxydes cristallisés se voient encore aujourd’hui dans les vitrines de nos musées au fond des creusets de charbon, où ils ont pris naissance à la température du rouge blanc.

Les réactions dont s’était servi Sainte-Claire Deville étaient conformes aux données naturelles; aussi avaient-elles pour les géologues une valeur bien supérieure à celles qui avaient été employées par Ebelmen; cependant une objection grave subsistait. L’acide