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réside toujours un nombre suffisant de moines est attachée une école secondaire dans laquelle les meilleurs élèves des écoles primaires de la circonscription sont défrayés de tout pendant les huit ou dix années de leurs études ; ils y apprennent le latin, un peu d’italien et les élémens des sciences. Chaque année, les pères font un second choix parmi les élèves les plus avancés de cette école secondaire, qui entrent alors dans les classes dites de philosophie, où, déjà revêtus de la soutane, ils se préparent, sous la désignation de clercs, à entrer au grand séminaire, autrefois à Ravenne, puis à Djakova, et aujourd’hui à Gran en Hongrie, et ils y reçoivent la prêtrise. Les catholiques bosniaques et herzégoviniens reprochent amèrement aux Hongrois d’obliger leurs clercs à aller se faire ordonner prêtres dans un séminaire magyar. Chez ces peuples, en effet, où l’idée de nationalité prime celle de religion, ces questions de suprématie ecclésiastique jouent un grand rôle. Ainsi, les Roumains orthodoxes d’Autriche ont refusé de rester soumis au même patriarche que les Serbes orthodoxes du même empire, et on a dû leur céder. En 1853, les Roumains catholiques de Hongrie ont obtenu, à leur tour, un métropolitain spécial, au lieu de relever, comme par le passé, de l’archevêché hongrois de Gran. L’Austro-Hongrie sera obligée de donner satisfaction sur ce point à ses nouveaux sujets chrétiens de Bosnie et d’Herzégovine[1].

Quoi qu’il en soit, le clergé catholique des deux provinces est non-seulement un clergé essentiellement national, mais encore, par suite de l’intelligente sélection qui préside à son recrutement, il se compose, on peut l’affirmer hautement, de l’élite de la population catholique du pays ; aussi les pères franciscains n’éprouvent-ils jamais de difficultés pour faire entrer dans les ordres les sujets qu’ils ont choisis, et c’est un grand honneur pour une famille bosniaque que d’avoir un père franciscain parmi ses membres[2].

Cette organisation est antérieure, comme nous l’avons vu, aux conquérans turcs, et fut respectée par eux. On raconte que Mahomet II, ayant appris que les catholiques s’enfuyaient, se fit amener le père provincial Angelo Zvizdovitch, — dont le tombeau existe encore dans l’église de Fojnitza, — et lui demanda pourquoi les catholiques abandonnaient le pays. Ayant appris que c’était parce qu’ils

  1. C’est aujourd’hui chose faite pour les catholiques ; voir la note de la page précédente.
  2. Ces sentimens se retrouvent en général chez tous les Slaves ; tous les voyageurs sont d’accord sur ce point. Chez les Podhalains des monts Tatras (Gallicie), la profession de prêtre est aussi la plus recherchée, et la plus grande ambition d’un Podhalain est d’arriver à l’exercer. (Voyez De Moscou aux monts Tatras, par M. G. Le Bon, dans le Bulletin de la Société de géographie, septembre 1881, p. 226 227.)