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Ils renoncèrent spontanément (c’est l’exposé des motifs qui le déclare), avant que le gouvernement eût fait connaître et peut-être eût connu lui-même ses intentions, à un triple droit que leur conférait la loi commune. Ils s’engagèrent à ne demander ni l’annulation des ventes aux acquéreurs, ni des indemnités au vendeur, ni la restitution des fruits au possesseur de mauvaise foi. « Aucune action, lit-on dans le projet déposé par le gouvernement le 9 décembre 1871, ne pourra être exercée, en vertu de la présente loi, contre les acquéreurs des biens vendus par l’état en exécution des décrets abrogés ni contre leurs ayans cause (art. 3). L’assemblée nationale (art. 4) donne acte aux princes d’Orléans de leur renonciation à toute créance contre l’état ayant pour origine l’exécution des décrets du 22 janvier 1852[1]. » — « Il a semblé à votre commission, ajouta le rapporteur, que, renfermée dans ces limites, la réparation offerte ne pouvait susciter aucune controverse. Ce qui vous est proposé, c’est purement et simplement de rendre à autrui ce qui appartient à autrui, de ne pas conserver dans les mains de l’état ce qui n’a jamais été à l’état, sans néanmoins mettre à la charge de la France épuisée... la réparation entière d’un acte qu’elle répudie. Qu’on le comprenne bien : il ne s’agit pas d’indemniser la famille d’Orléans d’une spoliation dont la responsabilité pèse tout entière sur son auteur; il s’agit de délaisser ce qui est à elle, non de lui fournir l’équivalent de ce qui a été consommé et dissipé. » On ne pouvait pas déterminer plus nettement le caractère et l’étendue de la restitution.

Nous arrivons aux chiffres, qui ont leur importance. Les biens meubles et immeubles non aliénés par le domaine en 1871 furent évalués par le ministre des finances à 45 millions environ, d’un revenu de 1,100,000 à 1,300.000 francs, partageables entre huit branches d’héritiers, dont plusieurs étaient divisées elles-mêmes et qui comprenaient, en novembre 1872, cinquante-deux descendans directs de Louis-Philippe. Voilà ce qu’on restituait; voici ce qu’on ne restituait pas. L’état avait encaissé : 1° 35,012,441 fr. 96, prix des immeubles vendus; 2° 18,601,019 francs, produit des coupes de bois; 3° 4,452,480 francs, montant des actions et droits du domaine dans les canaux d’Orléans, du Loing et de Briare; 4° 8,217,602 fr. 41, montant d’une créance liquide de Louis-Philippe

  1. La commission remania ces textes, et la rédaction définitive fut arrêtée dans ces termes : » Conformément à la renonciation offerte par les héritiers du roi Louis-Philippe avant la présente loi et réalisée depuis, aucunes répétitions ne pourront être exercées par eux contre l’état soit par suite de l’exécution des décrets du 22 janvier 1872, soit pour toute autre cause antérieure à ces décrets. Toute réclamation de l’état contre ces mêmes héritiers est pareillement considérée comme éteinte et non avenue (art. 3). Aucune action (art. 4) ne pourra être dirigée contre les acquéreurs des biens vendus par l’état en exécution des décrets abrogés ni contre leurs ayans cause. »