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on lit le second décret du 22 janvier 1852, que la loi de novembre 1814, consacrant une « règle fondamentale » du droit public français, dût s’appliquer de plein droit aux biens particuliers du nouveau prince. Ce dernier l’entendit autrement. Charles X, au lendemain de son avènement, proposa lui-même et les chambres acceptèrent sans réserve un projet de loi qui modifiait complètement le système adopté, sous le règne précédent, par les pouvoirs publics. La chambre des pairs ayant voulu le voter séance tenante et sans prendre la peine de le soumettre à l’examen préalable d’une commission, quelques membres réclamèrent. « La loi proposée, leur fut-il répondu[1], est une loi spéciale, unique pour chaque règne, et dont l’adoption plus ou moins prompte ne peut former un précédent applicable à d’autres lois. » On vota donc, sans rapport et sans débat, que a les biens acquis par le feu roi et dont il n’avait pas disposé, ainsi que les écuries d’Artois, faubourg du Roule, provenant des biens particuliers du roi régnant, étaient réunis, » non pas au domaine de l’état, mais « à la dotation de la couronne. »

Le rédacteur des décrets de 1852, qui cite la loi du 15 janvier 1825, ne paraît pas en avoir saisi la portée. Que subsiste-t-il donc de la loi votée en 1814? Les pouvoirs publics l’ont-ils jugée applicable au nouveau prince? Alors une première mutation de ses biens particuliers s’est opérée en septembre 1824, la propriété en a été transférée au domaine de l’état proprement dit : après quoi, la loi du 15 janvier 1825, opérant une seconde mutation, les aurait pris au domaine de l’état pour les incorporer à la dotation de la couronne. Mais personne, à coup sûr, n’imagina que cette double transmission se fût opérée après la mort de Louis XVIII, et la loi de 1825 eut précisément cet « effet rétroactif, » que l’auteur des décrets, dans son respect scrupuleux de la légalité, attribue avec indignation à la loi du 2 mars 1832. Les biens particuliers de Charles X furent censés avoir appartenu au domaine de la couronne dès son avènement, quoique la loi de 1814 eût donné une autre destination aux «biens particuliers du prince qui parvient au trône. » Celle-ci va rejoindre dans la poussière des lois écroulées la loi de mai 1790, la constitution de 1791 et le sénatus-consulte de 1810. La « règle immuable» du droit public français a changé pour la huitième fuis. Du moins, instruit par tant d’exemples, le nouveau roi n’a pas la prétention d’enchaîner son successeur, et le législateur de 1825, sans statuer pour l’avenir, n’a parlé que des biens acquis par le feu roi et des écuries d’Artois.

Eh bien ! si Louis-Philippe eût remplacé Charles X en vertu de l’ancienne loi de successibilité, s’il se fût assis sur le trône sans

  1. Proc. Verb. de la chambre des pairs, séance du 14 janvier 1825.