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d’Orléans se rappellent peut-être que ces décrets, au moment où ils furent rendus, ne soulevèrent pas dans le parti républicain moins de réprobation que chez eux-mêmes. (M. Robert de Massy, rapporteur : C’est vrai !) Ils nous blessaient parce qu’ils étaient un attentat à la propriété, je ne veux pas dire dans le fond seulement, — c’est là pour quelques-uns une question, — mais dans le manque de forme, de la forme protectrice du droit de propriété... J’entends encore, messieurs, et j’y applaudis encore, — c’était la première fois que j’entrais dans le prétoire du Palais de Justice de Paris; il est donc bien naturel que ce souvenir soit demeuré profondément gravé dans mon esprit, — j’entends encore les accens inimitables de Berryer lorsque, avocat des princes et donnant à son argumentation une note dominante qui revenait éternellement, il répétait ce cri emprunté à un souvenir classique célèbre : Forum et jus ! forum et jus! Donnez-moi les tribunaux ordinaires, rendez-moi le droit commun ! Forum et jus ! — Le forum politique avait été violé ; ceux qui avaient le droit de l’occuper avaient été dispersés, le droit commun était foulé aux pieds, et ceux-là qui n’avaient pas ressenti d’autres blessures sentaient, à la blessure faite à des intérêts privés, que, lorsque la tutelle du droit politique manque, le droit privé n’a plus de protecteurs. » (Très bien ! — Applaudissemens sur plusieurs bancs à gauche.) Belle leçon de droit public, et dont le souvenir doit rester ineffaçable.

Mais il ne suffit pas que le président de la république, les ministres, la commission, la majorité, la minorité même aient ainsi jugé le fond et la forme de cet acte arbitraire, ni qu’un vote unanime ait, le 23 novembre 1872, clos ce débat. A la rigueur, l’auteur du décret peut avoir eu raison contre les ministres démissionnaires et les conseillers d’état destitués en 1852, contre le législateur de 1856, contre le gouvernement de M. Thiers, contre l’assemblée nationale, en un mot contre tout le monde. Examinons et commençons, pour ne négliger aucun côté de la question, par supposer, avec le décret lui-même, que le duc d’Orléans fût, en effet, le 7 août 1830, définitivement investi de la royauté. Vous étiez roi, dit le jurisconsulte de 1852, et nous le lui laissons dire pour le moment : donc, en vertu de l’ancienne constitution monarchique antérieure à 1789, qui avait établi le droit de dévolution, vos biens ont été à l’instant même réunis au domaine de la couronne, a La consécration de ce principe, ajoute un considérant plein d’érudition, remonte à des époques fort reculées; on peut, entre autres, citer l’exemple de Henri IV : ce prince ayant voulu empêcher, par des lettres patentes du 15 avril 1590, la réunion de ses biens au domaine de la couronne, le parlement de Paris refusa d’enregistrer ces lettres patentes, aux termes d’un arrêt du 15 juillet 1591, et Henri IV, applaudissant