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reçoivent des masses de fonds considérables. Les caisses d’épargne, bleu qu’elles centralisent surtout les placemens des ouvriers des villes, reçoivent aussi une quantité d’économies faites par les ouvriers ruraux, domestiques de ferme, etc. On nous signalait dans l’Oise comme un fait assez ordinaire qu’un travailleur rural, recevant 700 francs, en plaçât 200. Le nombre des succursales dans l’arrondissement d’Abbeville attestait l’étendue des relations que la caisse d’épargne entretenait avec la population agricole. Nous constatons dans la même région de beaux résultats obtenus à Saint-Valery-sur-Somme, à Ault, à Gamaches. Nous n’aurions que l’embarras du choix pour citer des succès du même genre dans le Pas-de-Calais, le Nord et les autres départemens. Ce qui importe, c’est que l’économie persiste, c’est que les sommes épargnées augmentent, c’est que les placemens mobiliers, rentes et obligations, passent définitivement dans l’usage de ces campagnes qui y répugnèrent longtemps. Je voudrais pouvoir dire que la prudence picarde et flamande a toujours su se défendre contre les prospectus et les colporteurs de valeurs équivoques promettant de gros intérêts. Mais la cupidité a fait plus d’une fois des dupes Jusqu’au fond des hameaux reculés. Aujourd’hui ils ne lâchent plus guère leurs petites épargnes, dûment avertis par l’expérience.

Nous aurons terminé le tableau, encore trop incomplet, de la situation économique de ces populations agricoles lorsque nous aurons dit quelques mots du paupérisme, de l’assistance et de la population. Comment ne pas s’étonner d’avoir à prononcer le mot de paupérisme au sujet de provinces qui sont les plus riches et les plus prospères de notre pays ? On serait tenté de le croire au moins exagéré : il ne l’est malheureusement pas, surtout pour le plus avancé de ces départemens, celui du Nord. Ainsi en vain les salaires se seront-ils énormément accrus, en vain la quantité des subsistances se sera-t-elle développée et leur répartition opérée d’une manière plus favorable au grand nombre, il n’y aura pas seulement des pauvres isolés, des indigens dans quelques localités, il y aura un paupérisme agricole ! Quel autre nom donner à un nombre d’indigens secourus porté à 239,000 sur le budget départemental de 1881 ? et ce chiffre est souvent dépassé, et tous les pauvres ne sont pas secourus ! Une armée de 300,000 pauvres dans le plus riche département de la France, qu’en dit-on ? Le secours prend diverses formes. On compte dans le Nord 662 communes pourvues de bureaux de bienfaisance. Il y a deux ans, 25 seulement en manquaient. Nous n’affirmons pas au hasard que les campagnes sont le théâtre de ce paupérisme, puisque c’est dans le plus agricole des arrondissemens, celui d’Avesnes, que nous trouvons le plus de bureaux