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de répondre que le roi était décidé à ne faire l’affaire que du consentement de la Prusse.

La négociation ouverte avec tant de confiance entrait dans une phase imprévue ; on allait avoir à compter avec le sentiment de la peur, habilement surexcité par les influences allemandes qui s’exerçaient à la cour de La Haye. Encore quelques jours et la situation deviendra périlleuse. Il ne sera plus question d’alliance ; c’est la guerre qu’il faudra conjurer. Déjà le drame se prépare et se reflète menaçant dans les communications qui s’échangent entre Paris, Berlin et La Haye. M. de Moustier ne tient pas encore la partie pour perdue. Il redouble d’activité. Il est sur la brèche nuit et jour ; il est à la fois la pensée et la plume. Il écrit, chiffre et déchiffre lui-même les dépêches qu’il échange avec ses agens. Il confère avec les ambassadeurs, et s’il est empêché d’aller aux Tuileries, il écrit à l’empereur et le tient au courant heure par heure de tous les incidens. Son activité est prodigieuse, ses émotions incessantes, il passe de l’espoir au découragement. Les médecins interviennent, ils savent qu’il est atteint d’une maladie de cœur ; leurs conseils le laissent indifférent. Il songera au repos, s’il en est temps encore, lorsque le péril sera conjuré.


VII. — LES PERPLEXITES DU ROI DES PAYS-BAS ET DE SON GOUVERNEMENT.

M. Benedetti avait à peine quitté Paris que M. de Moustier lui expédiait dans la nuit une dépêche pour l’informer que le roi des Pays-Bas, après avoir consenti à traiter secrètement, s’était ravisé tout à coup et demandait à faire régler la cession par les signataires du traité de 1839 : « M. Baudin croit, lui télégraphiait-il, que l’on se contenterait d’un consentement quelconque et il demande ce qu’il doit faire. » La dépêche avait précédé M. Benedetti à Berlin. Il exprima immédiatement à M. de Bismarck le désir de le voir et il lui annonça qu’il était porteur d’une lettre de l’empereur pour le roi. Le roi le reçut dès le lendemain matin. Il lui fit un accueil gracieux, s’informa de la santé de l’empereur, de l’impératrice et du prince impérial, se félicita de la prochaine occasion que lui offrirait l’exposition pour faire sa cour à leurs majestés. Il parla de la discussion du corps législatif, il releva l’injustice des attaques de l’opposition et loua le langage du ministre d’état ; mais il ne sortit pas des généralités et évita de fournir à l’ambassadeur l’occasion de porter l’entretien sur les affaires en négociations entre son gouvernement et la France.

En sortant de l’audience, M. Benedetti se rendit chez le président