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bien près d’être fini. Au même instant cependant, voici une autre partie de l’Orient, placée, il est vrai, dans des conditions différentes, relevant à peine de l’empire ottoman, voici l’Égypte semi-indépendante qui est agitée de nouveaux troubles, qui a un commencement de révolution sous la forme d’une insurrection militaire. Tout s’est passé en quelques heures, avec un certain mystère, et si ces événemens, qui ne sont pas allés jusqu’au bout, restent toujours assez sérieux, s’ils ont fixé plus particulièrement l’attention, c’est qu’ici, à Alexandrie et au Caire, l’Europe est plus directement engagée par une multitude d’intérêts, par les droits de contrôle que la France et l’Angleterre exercent en commun.

Ce n’est pas la première fois que des symptômes de révolte militaire se sont manifestés en Égypte depuis la déposition d’Ismaïl-Pacha et l’avènement à la vice-royauté de Tevflck-Pacha. Déjà, au mois de février dernier, une sorte de sédition éclatait, moins, il est vrai, contre le khédive lui-même que contre le ministère présidé par Riaz-Pacha. Cette sédition, mal réprimée, à peine assoupie, est restée toujours à l’état latent. Elle existait, à coup sûr, elle était connue ou soupçonnée, et récemment encore, elle n’était pas étrangère au changement du ministre de la guerre ; on n’osait pas, en réalité, l’attaquer par des mesures efficaces, on se plaisait même à en déguiser l’existence aux yeux des consuls européens, et l’irrésolution des ministres, la faiblesse de caractère du khédive n’étaient pas propres à la décourager. Tout semblait annoncer une crise imminente, et l’agitation impuissante du gouvernement et la hardiesse de quelques-uns des chefs militaires, lorsque, il y a quinze jours, l’insurrection a décidément éclaté par la mutinerie de trois régimens, sans qu’il y ait eu d’ailleurs aucune espèce de conflit. Quels ont été les mobiles de cette sédition nouvelle? y a-t-il dans tout cela l’apparence d’un mouvement national ou politique, d’une révolte contre l’influence étrangère? Les raisons politiques n’ont été qu’un prétexte. Ce qu’il y a de plus probable, c’est que les chefs insurgés, après avoir bravé plus d’une fois le gouvernement, ont fini par craindre d’être surpris et ont voulu devancer la répression qui les attendait, qu’ils redoutaient du moins. Ils étaient trop compromis pour ne pas se sentir exposés et pour ne pas tenter de se sauver en précipitant le mouvement. Toujours est-il qu’à l’heure voulue, les trois colonels conjurés se sont trouvés sur la place d’Abdine, au Caire, bloquant le vice-roi dans son palais avec leurs régimens, de la cavalerie, et vingt-quatre pièces de canon. Maîtres de la place, ils ont envoyé au khédive un ultimatum qui ne disait qu’à moitié, bien entendu, le vrai motif de cette prise d’armes, qui contenait un certain nombre d’articles un peu étonnés de se trouver ensemble dans le programme d’une sédition de prétoriens. Les insurgés réclamaient dans leur ultimatum un accroissement de l’armée, l’augmentation de la