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on mit l’équipage à travailler pour l’installation d’un observatoire sur le terrain le plus convenable, la seule place dénudée d’arbres de la contrée, près d’un petit cours d’eau. En cet endroit solitaire, une cabane en ruine attestait le séjour d’un homme ; un déserteur de baleinier anglais, uni, paraît-il, à une femme néo-zélandaise, avait vécu dans cette calme retraite, indépendant, heureux peut-être et fier de sa compagne. Pour la première fois, un botaniste instruit examine dans son épanouissement la végétation des îles Auckland. A chaque pas, ce sont des espèces inconnues, plusieurs d’un intérêt extrême parce qu’elles représentent les formes antarctiques de types propres à la Nouvelle-Zélande. Comme il n’y a point de montagnes assez hautes pour porter des neiges éternelles et peu de roches, le sol tout entier disparaît sous la verdure. Près des rivages, c’est la forêt assez basse; plus loin, les buissons couvrant de grandes surfaces; sur les collines, les gazons. La forêt consiste en épais fourrés, où des arbres penchés el; tordus par la violence des ouragans fournissent un excellent abri aux fougères pareilles à des plumes d’un vert brillant et aux plantes basses que parent de jolies fleurs. Ce n’est plus le simple voyageur, mais le savant qui regarde, et il est saisi d’admiration à la vue de tant d’espèces végétales si nouvelles pour ses yeux.

Le docteur Mc Cormick, l’un des médecins de l’expédition, trace un petit tableau du monde animé sur les îles Auckland au temps de la relâche de l’Erebus et du Terror. Introduits il y a un certain nombre d’années, les porcs se sont multipliés à l’état sauvage et ne cessent de faire leurs délices des aralias et de quelques autres végétaux. A peine trouve-t-on sept ou huit oiseaux terrestres; un petit mélophage est le premier musicien de ces bois presque impénétrables. Plusieurs oiseaux aquatiques, canards, cormorans, manchots, goélands à dos noir ou à dos gris répandent beaucoup d’animation. En la saison toute printanière, au mois de novembre, les albatros en nombre énorme et ne rêvant que d’amours, au sein d’une paix qui n’a presque jamais été troublée, construisent les berceaux de leur postérité. Les pétrels, aux allures si vives, nichent dans des trous aux flancs des falaises. Il n’y aurait que plaisir à contempler les scènes variées de la vie des oiseaux si, pendant la chaleur du jour, les mouches des sables n’eussent causé des tourmens par des poursuites incessantes et des piqûres très douloureuses. Dans la bonne pensée d’accroître les ressources alimentaires du sol, le capitaine Ross laissa près des taillis des chèvres, des brebis, des lapins; sur le terrain découvert, on sema des graines de plantes potagères. Il y eut la part du sial; des officiers, gémissant de ne trouver nulle part un chemin praticable, mirent le feu à des herbes sèches; l’incendie