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capitaine Wilkes, arriva un baleinier portugais commandé par un Anglais. Aux derniers jours du mois de mars, la flottille américaine était réunie à la baie des Iles, au mouillage de la Kawa-Kawa, en face la maison du consul des États-Unis.

Les beautés de la nature ne touchent que les esprits accoutumés à l’observation ou les esprits doués par une faveur originelle d’un sens supérieur. Par les descriptions d’anciens voyageurs, on a pu rêver du charme particulier, étrange, gracieux de la haie des Iles. Par les récits d’autres visiteurs, demeurés assez indifférens, on craint ensuite d’avoir cédé à un sentiment d’admiration trop vive. Pourtant voici le capitaine Wilkes, qui a parcouru le monde, — il dépeint la fameuse baie comme une merveille et juge un bonheur l’occasion de la contempler. « Elle ne répond pas néanmoins, dit le marin, à l’idée que je m’en étais formée ; avec exactitude on l’appellerait la baie des Passages[1] ; » on en concevra les grands traits si l’on se figure une main ouverte avec les doigts écartés. Le rivage est dentelé par des criques ou des bras de mer qui s’avancent entre les collines; les langues de terre sont en général si étroites qu’on a toujours besoin d’un bateau pour aller à quelque distance. A regarder le pays d’alentour, la séduction est moindre ; c’est un amas de collines sans vallées. Le terrain de niveau est si limité qu’il faut entailler les flancs des monticules et façonner des terrasses pour construire des habitations. L’ensemble des collines et des grandes nappes d’eau est encore d’un effet passablement pittoresque. Les membres de l’expédition, pour la plupart, étaient frappés de la ressemblance de la contrée avec la Terre de Feu. Les savans entreprirent des excursions à travers le pays et parvinrent à recueillir de nombreux renseignemens sur le caractère volcanique de la Nouvelle-Zélande.

Des membres de l’expédition américaine étaient arrivés en temps opportun pour être témoins de l’acte qui devait être compté parmi les événemens les plus graves de l’histoire de la Nouvelle-Zélande. Ils avaient vu débarquer à la baie des Iles, le 29 janvier 1840, accompagné d’une force militaire, le capitaine de vaisseau William Hobson, porteur d’un traité que l’on allait justement appeler l’acte de prise de possession de la Nouvelle-Zélande par le gouvernement de la Grande-Bretagne. L’arrivée de M. Hobson en qualité de gouverneur, rapportent les officiers américains, sembla prendre par surprise les habitans européens et indigènes. Comme le traité n’obligeait à rien moins qu’à l’abandon des terres et de toute autorité en faveur de la reine Victoria, on vit d’un côté se produire les plus énergiques protestations, de l’autre recourir à des efforts inouïs

  1. Bay of Inlets.