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1879, il y a, par conséquent, plus de deux années, mais il n’a pas encore été mis en discussion. Depuis onze années, par conséquent, pas un seul budget n’a été réglé définitivement : on ne possède que des comptes provisoires et on n’a pu arrêter que des situations également provisoires. Au seul point de vue de la comptabilité des finances, cet état de choses présente déjà de graves inconvéniens puisqu’on ne peut arrêter définitivement aucune écriture. Le ministre actuel des finances a reconnu qu’en ce qui concerne notamment la dette flottante et les découverts du trésor, il résulte de l’absence de comptes définitifs « un trouble et des complications dans les écritures, qui ne sont pas ainsi la représentation exacte des faits accomplis. » Il n’échappera à personne que ce trouble et ces complications dans les écritures du trésor ne sont qu’un inconvénient secondaire auprès de l’ignorance dans laquelle le gouvernement et le pays sont tenus sur la situation exacte des finances publiques, auprès de la suppression du contrôle législatif, et surtout auprès du danger que les ministres ne se laissent trop facilement entraîner à accroître, par la voie des crédits supplémentaires ou extraordinaires, des dépenses dont l’apurement définitif n’aura lieu qu’au bout d’une dizaine d’années.

Grâce à ces facilités dangereuses, à la création continuelle de nouvelles dépenses et à la multiplication vraiment excessive des crédits supplémentaires et extraordinaires, la libération de l’état vis-à-vis de la Banque ne s’est opérée qu’en sept années ; on pourrait même dire en huit au lieu de cinq. Quant au compte de liquidation, qui ne devait demander à la dette flottante qu’une assistance temporaire et qui devait être soldé, comme le compte vis-à-vis de la Banque, au moyen de l’excédent des recettes maintenu au chiffre minimum de 200 millions, il n’a jamais été alimenté que par l’emprunt. Il en est résulté deux conséquences fâcheuses : la première qu’un nouvel élément de perturbation a été introduit dans les budgets ; la seconde, que, malgré les sacrifices énormes que le pays s’est imposés, les charges permanentes de la nation, au lieu de diminuer graduellement, comme le voulait M. Thiers, n’ont cessé d’aller en s’accroissant.

La nécessité de trouver pour le compte de liquidation des ressources qu’on n’avait plus la fermeté de demander à l’impôt ou la sagesse d’obtenir par des économies, conduisit à développer rapidement la dette flottante, et comme la multiplication excessive des bons du trésor en eût rendu la négociation plus onéreuse et plus difficile, comme le même inconvénient s’opposait parfois à ce qu’on accrût le nombre des obligations à court terme qu’on avait mises dans le public, l’administration des finances se trouva acculée plusieurs fois à des expédiens. L’un des plus regrettables a été