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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : le Mariage de Figaro.

Le bruit s’est répandu, cette quinzaine dernière, que de jeunes comédiens, engagés depuis moins de vingt ans à la Comédie-Française, avaient paru dans des rôles fort supérieurs à leur âge. Sans que les chefs d’emploi fussent empêchés ou malades, et par un simple effet de leur décision gracieuse, l’accès du répertoire et même d’une pièce nouvelle avait été ouvert à ces jeunes gens surpris. M. Got, tout le premier, le doyen des sociétaires, avait cédé à M. Prudhon le personnage de Bellac, frais encore et à la mode au moins pour une saison. M. Coquelin avait prétexté un voyage en Suède pour faire abandon à M. Truffier du rôle de Paul Raymond. Seul des illustres hôtes qui en avaient essuyé les plâtres, M. Delaunay était demeuré dans la pièce de M. Pailleron, non pour gêner, à coup sûr, ni morigéner cette jeunesse : il eût résigné volontiers son emploi viager d’amoureux ; mais quoi ! pour le remplacer on ne trouvait que MM. Davrigny et Volny, qui sont majeurs à peine, mais qui déjà le paraissent ; on attendait qu’ils rajeunissent pour leur donner sa succession. D’aucuns cependant assuraient qu’à la faveur d’une dispense d’âge, ce même Volny occuperait bientôt la place de M. Febvre dans Mademoiselle de Belle-Isle, et déjà, dans cette pièce, Mlle Bartet usurpait le rôle de Mlle Broisat. Quoi d’étonnant alors à ce que le Mariage de Figaro se risquât sur l’affiche avec une distribution nouvelle ? Mlle Baretta y suppléait Mlle Croizette dans Suzanne ; Mlle Tholer, dans la comtesse, supplantait Mlle Broisat ; Mlle Frémanx, à peine sevrée du Conservatoire, empruntait à Mlle Reichemberg le maillot de Chérubin ; M. Laroche recueillait le rôle d’Almaviva des mains de M. Delaunay, décidément trop jeune ; enfin le personnage de Figaro, honoré l’année dernière par un essai de M. Coquelin, était dévolu à son frère, un éphèbe annoncé sous le nom de Coquelin cadet.

Tels étaient, ou à peu près, les rapports des nouvellistes. Étaient-ils exacts, si prodigieux qu’ils fussent ? Je ne puis dire en vérité s’ils l’étaient de tout point. M. Perrin, qui, jusqu’ici, priait indiscrètement