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profession de luthéranisme. Il se débarrassa de tous les nobles qui étaient restés fidèles à l’héritier légitime, mit les uns à mort, chassa les autres, et fit régner dans son royaume avec la dernière sévérité la maxime du XVIe siècle : Cujus princeps ejus religio. Malgré sa cruauté, il resta populaire, car il représentait la Suède, et lutta toute sa vie contre la Pologne, alors suzeraine de presque tous les rivages de la Baltique, depuis la Finlande jusqu’à l’Oder.

Il lui était né, le 9 décembre 1594, au château de Stockholm, un fils qui fut nommé Gustave-Adolphe. De bonne heure, il lui souffla l’ambition, l’amour de la gloire ; mal assuré lui-même et inquiet de son pouvoir royal, il chercha à lui donner les vertus avec lesquelles se fondent les dynasties. Il l’entoura de maîtres, lui fit apprendre presque toutes les langues d’Europe, l’admit, encore enfant, aux séances de son conseil. Il lui donna surtout un guide habile dans la personne d’Oxenstierna, issu d’une grande famille suédoise. Gustave-Adolphe se montra digne de l’amitié d’Oxenstierna et lui garda toute sa vie une confiance qui doubla ses propres forces. Les grands rois ont besoin de grands ministres, et, les ayant trouvés, savent les garder.

Gustave-Adolphe n’avait que seize ans quand il monta sur le trône. Oxenstierna avait vingt-sept ans. Leurs débuts ne furent pas très heureux. Entre les Suédois et les Danois, il y avait une perpétuelle rivalité ; les deux peuples se disputaient le commerce de la Baltique, plus important qu’aujourd’hui, car la mer était alors la principale voie de communication dans ces pays du Nord. Le roi de Danemark regardait comme une ennemie la maison de Wasa, qui avait enlevé la Suède à ses aïeux. Peu avant l’avènement de Gustave-Adolphe, le roi de Danemark avait, sous un prétexte futile, déclaré la guerre à la Suède et avait pris Calmar. Le jeune roi de Suède se trouva donc, aussitôt que monté sur le trône, avoir une guerre sur les bras ; les Danois battirent les Suédois et Gustave-Adolphe ne put racheter Calmar et Elfsborg qu’avec une rançon d’un million de thalers. Gustave-Adolphe se trouva mêlé ensuite aux luttes soulevées par les faux Démétrius ; il reconnut, en faisant la paix, Michel Romanof, et obtint ainsi un traité qui excluait la Russie de la Baltique. Il avait été heureux dans cette seconde guerre, et, la paix à peine signée, il travailla à accroître les forces de son pays ; il ouvrit des ports francs, développa l’industrie métallurgique, créa des fabriques d’armes, des banques, réforma la justice, réduisit le pouvoir des chambres, créa des conseils purement consultatifs, diminua les privilèges de la noblesse et du clergé. Il établit en fait son pouvoir à peu près absolu, tendit tous les ressorts de l’état, supprima toute tolérance