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bien de son service ;… le roi ne connoît pas tout le danger de l’association des parlemens, mais il seroit périlleux aujourd’hui de le lui faire connoître. » Aussi se garde-t-il bien de signaler au secrétaire d’état les audaces et les succès de la parole, tes violentes sorties de l’esprit d’opposition, qui nous intéresseraient aujourd’hui, mais qui auraient compromis « son grand désir de faire sa cour. »

Bornons-nous donc, pour le moment, à l’examen des deux époques inscrites et désignées, dans le titre de cet article. Sans sortir des termes où nous avons posé la question, tout, en nous limitant aux résultats obtenus, il nous semble permis de dire que les citations faites ; les exemples allégués, donnent une idée précise de l’éloquence politique du parlement de Paris. Nous savons maintenant dans quelles conditions, et sous quelle forme simple, vive, énergique se produisait cette éloquence ; comment elle influait sur les votes et les arrêts, sur toute la conduite des magistrats, dont elle soutenait l’héroïsme et passionnait l’obstination. De nouvelles découvertes, des discours plus nombreux et plus variés, en multipliant les preuves, auraient confirmé nos remarques sans modifier les traits dominans du tableau que nous venons de tracer. À ce développement de l’éloquence parlementaire, qui remplit un siècle et demi, rattachons maintenant, par le souvenir, la longue carrière oratoire de nos assemblées nationales ; réunissons les harangueurs des états aux tribuns du palais, et nous embrasserons d’un regard l’histoire entière de notre ancienne éloquence politique, depuis la naissance des traditions et des institutions qui lui servent d’appui, jusqu’au jour où elle abdique et se transforme dans la constituante de 1789.

Il n’est pas besoin d’exagérer la valeur des monumens que cette ancienne éloquence nous a laissés pour reconnaître les services rendus par elle, pendant cinq siècles, à la cause des libertés publiques et du progrès national. Au moyen âge, elle a gouverné les agitations populaires, sorties des malheurs de la guerre de cent ans, elle a rempli l’intérim des pouvoirs frappés de déchéance. Dès la fin du XVe siècle, dans l’étonnant discours de Philippe Pot, elle opposait à la royauté absolutiste et féodale la conception toute moderne d’une monarchie fondée sur le consentement éclairé de la nation ; en 1560, elle a proclamé, dans les harangues de l’Hospital, le principe de la tolérance religieuse garantie par l’impartialité du pouvoir séculier ; en 1593, elle a aidé Henri IV à sauver la nationalité française ; en 1614, elle a défendu l’indépendance de la couronne et de l’état contre un retour offensif des doctrines ultramontaines, et nous venons de montrer ce qu’elle a fait, ce qu’elle a tenté en 1648, en 1732, pour concilier les libertés parlementaires avec