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pas eu plus tard dans le fleuve un détachement dont le retour était problématique. L’avis des officiers autrichiens et mexicains fut différent, et Le Guyec céda. L’Antonia parvint à se mettre en sûreté, mais non sans combattre, et eut deux hommes tués. Le lendemain, M. de la Bédollière retournait à terre, afin de prendre ses dispositions pour faire rentrer ses hommes à bord de leurs bâtimens, lorsque, après avoir passé la barre, il apprit d’un homme, qui ne s’aventurait qu’avec beaucoup de précautions, qu’il n’avait qu’à s’en retourner bien vite pour ne pas tomber entre les mains d’Escobedo, dont les soldats occupaient le village. On n’apercevait en effet aucun des nôtres sur le bord de la rivière. Le poste mexicain était abandonné. Il semblait qu’il n’y eût pas âme qui vive à Bagdad. Le pavillon américain lui-même n’était pas hissé sur l’autre bord à Clarksville. Dès que le canot de M. de la Bédollière eut changé de route, le pavillon américain fut hissé sur la rive texienne.

Le commandant Collet allait porter la peine de cette échauffourée et de la situation critique où se trouvaient les hommes de l’Antonia. Il fut accusé de négligence dans l’exécution des ordres qu’il avait reçus, rappelé sur-le-champ à Vera-Cruz et remplacé dans son service par le capitaine du Tartare. Le commandant Collet avait eu peut-être surtout le tort d’être sur les lieux, de se trop émouvoir de ce qu’il voyait et de ne pas être assez dans les confidences et les intentions de la diplomatie. S’il y eût été davantage, il aurait été guéri de la tentation de susciter un conflit franco-américain et se fût incliné, comme le commandant Cloué avait forcément la sagesse de le faire, devant l’excessive difficulté de résister ouvertement aux empiétemens des États-Unis. On sait en effet qu’une correspondance plus que vive avait été échangée entre le commandant Cloué, lors de son arrivée à Matamores, et le général Weitzel. Celui-ci avait trouvé irrespectueuses les lettres du commandant Cloué, qui avait refusé, de son côté, de recevoir du général américain une lettre non signée. Le commandant Cloué avait cru devoir soumettre cette correspondance au ministre. Une première dépêche partie de Paris, le 3 novembre, lui avait permis d’entrevoir ce qu’on lui répondrait. Il s’agissait dans cette dépêche de ce qu’il y avait lieu de faire au sujet de certaines réclamations des États-Unis. Le ministre des affaires étrangères, que son collègue de la marine avait consulté, admettait en principe que, le gouvernement de l’empereur Maximilien étant aujourd’hui régulièrement constitué, c’était à lui que le gouvernement de Washington devait adresser ses réclamations, et que, de notre côté, refusant de servir d’intermédiaires, nous étions fondés à déclarer que, s’il ne voulait point rentrer en relations avec le cabinet de Mexico, il n’avait qu’à saisir de ses griefs l’ex-président Juarez, qu’il persistait à considérer