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s’y maintenir jusqu’au moment où les Espagnols pourraient opérer un débarquement sur les côtes du Languedoc. Dès ce moment, usant d’audace, désarmant les malveillans, il investirait Nîmes d’une part, le Puy de l’autre ; maître de ces deux points, il tiendrait le Midi et, en combinant ses mouvemens avec ceux des étrangers, il jetterait une armée sur Lyon et Paris. Que les provinces de l’Ouest imitassent cet exemple et la révolution périrait étouffée dans son berceau.

Afin de prouver qu’il ne se nourrissait pas d’illusions, il démontrait que l’état du Midi était propice à ce soulèvement. Déjà, au mois de novembre précédent, une conjuration militaire avait éclaté à Perpignan, dont le but était d’ouvrir la frontière aux Espagnols. Quoique ayant avorté, elle n’en prouvait pas moins que plusieurs régimens étaient résolus à prendre fait et cause pour le roi. Partout ailleurs, les populations, irritées par les violences révolutionnaires, exaspérées par les traitemens odieux infligés aux prêtres qui avaient refusé d’adhérer à la constitution civile du clergé, n’attendaient qu’un signal pour se révolter.

Arles, conservant le souvenir du sort heureux dont elle jouissait ayant la révolution, restait fidèle à la royauté. Dans la lutte toute locale engagée entre les monnediers et les chiffonistes, c’est-à-dire entre les patriotes et les contre-révolutionnaires, la victoire restait à ces derniers. Les partisans de la révolution dans le département des Bouches-du-Rhône entendaient les dominer, les écraser; ils allaient jusqu’à leur refuser de les comprendre dans la distribution de fusils ordonnée par l’assemblée nationale, jusqu’à menacer les femmes qui refusaient de reconnaître l’évêque constitutionnel. Les royalistes avaient répondu à ces provocations en se liguant avec les affiliés de Jalès, en leur envoyant des armes et de l’argent qu’ils faisaient venir d’Espagne par Aigues-Mortes. Avertis que les Marseillais organisaient une expédition contre eux, qu’ils avaient même pillé l’arsenal de Marseille pour se mettre en état de faire la campagne, ils se préparaient à la résistance, se fortifiaient, muraient les portes de leur ville, creusaient des fossés le long de l’enceinte, assuraient leurs communications avec la mer et réorganisaient la garde nationale de façon à réduire à l’impuissance l’action des patriotes.

A Montpellier, chef-lieu de l’Hérault, la haine des royalistes contre les prêtres constitutionnels entretenait la guerre civile. Pour défendre ceux-ci, une bande connue sous le nom de « Pouvoir exécutif » ou « patriotique » s’était formée. Elle avait maltraité les prêtres réfractaires, ceux qui allaient entendre leur messe, des femmes même. Au mois de novembre précédent, à l’occasion des opérations électorales, on s’était battu dans les rues. Il y avait eu