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élèves, pour certaines périodes, à des manuels, et de ne traiter en classe que les questions importantes. Le danger de ce système nous paraît être celui-ci : volontiers les élèves se persuadent qu’ils peuvent dédaigner absolument ce que l’on passe tout à fait sous silence ; si l’on procède par vastes lacunes, c’est dans leur esprit l’origine d’une idée fausse et d’une confusion irrémédiable. Il leur paraît que la Providence a négligé ces périodes qui n’offrent pas à l’historien de saillies échéantes, tandis qu’au contraire c’est le plus souvent la trame de ces temps obscurs, taxes par nous de décadence et de corruption, qui offre les traits les plus précieux. À l’unité rompue par cette méthode de travail, ils imaginent involontairement que correspond une rupture supérieure ; ils n’aperçoivent plus aucune suite ; ils ne voient qu’une série d’épisodes, sujets de narrations. Jadis, pour que ces fausses idées entrassent mieux dans nos jeunes esprits, nous avons vu certains Précis où les développemens étaient imprimés en gros caractères, et les résumés en petits. On abandonnait à notre étude personnelle les méprisables résumés, que nous aurions lus fort inutilement, tant ils étaient condensés et obscurs. En petits caractères la décadence de l’empire romain, en petits caractères l’invasion des barbares, — en gros caractères Clovis et Charlemagne. L’étude biographique effaçait l’étude historique ; l’action d’un homme sur son temps se substituait à l’action du génie d’un peuple, au progrès intérieur d’une civilisation, à l’enchaînement de la logique éternelle, à la majesté, à la moralité de l’histoire.

Puisque nous en sommes au détail pédagogique, pourquoi ne dirions-nous pas un mot d’un sujet délicat, sur lequel il n’est pas facile d’arriver à une solution satisfaisante avec un grand nombre d’élèves, et devant la complexité des programmes dans les hautes classes ? Je veux parler de l’usage qui permet ou quelquefois ordonne de prendre des notes pendant que le professeur fait son exposition orale. Il convient au psychologue de dire quel subtil travail d’analyse c’est pour l’intelligence que de savoir noter, quand parie un orateur, les points culminans de son discours. Si le but principal est d’avoir bien écouté, cette analyse difficile doit plus d’une fois s’interrompre ; nous ne parlons pas seulement des passages qui peuvent comporter un véritable intérêt ou bien quelque émotion, mais aussi de certains raisonnemens, de certaines déductions qu’il faut suivre avec une attention sans partage. Ge travail si ardu pour des esprits déjà formés, des enfans de treize à dix-sept ans sauraient-ils l’entreprendre impunément sans le secours incessant et l’extrême prudence de ceux qui les dirigent ? Qui de nous n’a eu ce spectacle, lamentable de trente à