Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/545

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur plan de réformes une fois élaboré, ses amis et lui pourraient, faute d’instrumens capables ou dévoués, être contraints de se charger eux-mêmes de l’application. En attendant, Nicolas Alexèiévitch, dans sa hâte de quitter Varsovie, travaillait jour et nuit, surmenant sans merci son intelligence et ses forces, au risque de compromettre à jamais une santé à peine remise.


« Varsovie, 27 octobre (8 novembre) 1863[1].

……………………..

« Depuis notre retour à Varsovie, nous avons repris notre vie sédentaire. Nous ne sommes presque pas sortis du palais[2] ; nous restons à notre table de travail et c’est à peine si, pour nous dégourdir les jambes, nous arpentons de temps en temps les vastes salles ou le petit jardin du château. Toute la matinée est occupée par les explications avec les fonctionnaires et la lecture des papiers d’affaires ; mais le principal travail se fait de nuit, d’autant plus qu’ici on dort décidément moins que d’habitude, si grand est le désir de s’esquiver au plus tôt de cet affreux pays.

« Je voulais aujourd’hui écrire à D… une lettre semi-officielle sur l’état de nos travaux pour qu’il la présentât à l’Empereur dès le retour de Livadia[3] ; mais le compte-rendu détaillé de notre voyage dans le royaume que nous préparons n’est pas encore terminé. Aussi je remets cette lettre au prochain courrier. Ce compte-rendu doit non-seulement donner une idée de nos travaux, mais en grande partie faire connaître l’essence même de la question. Mon désir est de préparer l’opinion de Pétersbourg aux projets que nous apportons ; c’est pour cette raison que nous avons décidé de consacrer quelques jours de plus à la rédaction de ce compte-rendu[4].

» Pour le moment, le principal souci des trois amis était, on le

  1. Lettre de N. Milutine a sa femme.
  2. Milutine et ses amis s’étaient installés au château Brühl. « Nous n’avons pu, écrivait-il à sa femme le 16/28 octobre, continuer à habiter l’hôtel de l’Europe ; il y a trop de bruit et de va-et-vient comme dans toute caserne. Aussi nous sommes-nous installés aujourd’hui au palais Brühl, où nous occupons tout le premier étage. J’écris cette lettre sur la table qui servait aux astucieux écrits du marquis Wiélopolsk et qui maintenant est couverte de papiers d’un autre genre.
  3. Le retour de l’empereur à Saint-Pétersbourg, au lieu de précéder celui de Milutine comme ce dernier le supposait, le suivit de près, en sorte qu’il put présenter lui-même son rapport directement en arrivant.
  4. Le 30 octobre (11 nov.), Milutine répétait : « Notre travail bouillonne (kypit) quoique je craigne beaucoup qu’il ne soit pas terminé même pour le 15 novembre. Nous achevons en ce moment le récit du voyage. Ce travail supplémentaire aura, j’espère, l’avantage de familiariser avec nos vues. »