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renonceront à leur mandat. Enfin les frais d’élections doivent être considérablement réduits ; aujourd’hui, bien que ce soit l’exception, quelques-unes sont fort coûteuses et détournent des gens honorables de présenter leur candidature.

Mais, dira-t-on, après une abstention si prolongée, le public saura-t-il se donner l’organisation voulue ? Les moyens sont bien simples et même vulgaires. Créer des comités électoraux par provinces est une chose que tout le monde sait faire en Espagne. Il suffit d’imiter au profit du pays ce qui a été fait jusqu’à présent au profit des partis. La difficulté n’est pas là, mais dans l’accueil que le public fera à cette vérité que le salut ne peut venir que de lui-même ; s’il l’accepte, il se mettra à l’œuvre résolument ; s’il n’y croit pas, il ne fera rien, mais il peut être assuré alors que la décadence et les malheurs de l’Espagne iront toujours croissant, et qu’au lieu d’une vie digne et prospère, chaque Espagnol traînera une étroite existence à la merci d’égoïstes gouvernans. Ceux-ci goûtent au pouvoir les satisfactions sans bornes qu’il procure ; après leur chute, il leur reste la notoriété, l’auréole de la persécution les embellit, et quant à la position matérielle, ils touchent de grasses pensions de retraite auxquelles s’ajoutent leurs traitemens d’administrateurs ou conseillers de chemins de fer et autres compagnies, places qu’ils reprennent après leur sortie d’emploi et que ces sociétés ont soin de leur réserver pour se ménager leur protection à d’autres momens.

Par contre, le public est loin de jouir de compensations aussi substantielles pour les erreurs de ses maîtres. S’il est une vérité qui devrait être universellement reconnue, c’est que la gestion bonne ou mauvaise de la chose publique intéresse tout le monde ; les effets s’en font sentir aussi bien dans la plus pauvre chaumière par la privation de pain, l’abandon du foyer, la destruction de la famille, que dans la maison de l’homme aisé par la diminution de l’aisance, le sentiment de l’impuissance contre l’arbitraire et l’énervement de toute initiative. Qu’on dise après cela que l’action gouvernementale n’affecte pas profondément jusqu’au dernier des citoyens !

Si tous sont intéressés à la bonne administration, tous aussi peuvent y contribuer. Même avec le suffrage restreint, l’influence de ceux qui n’ont pas part au vote se fait encore sentir. Ce n’est pas trop que le concours du peuple entier pour déraciner des abus si invétérés, si commodes, si fructueux et que tous les partis s’efforceront de conserver en attirant l’attention publique sur d’autres questions. Telle sera la résistance, qu’il serait inutile de penser en triompher sans avoir au préalable cimenté l’union de la couronne et