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Elle apporte aussi, qu’on nous permette de le dire, la condamnation des projets de 1875, Puisque « 3 à 4,000 hectares ne peuvent rendre le produit de 40 à 60,000 », puisqu’il est inadmissible que « l’azote du pain, de la viande et des légumes consommés à Paris y retourne sous la forme unique de légumes », que reste-t-il des argumens à l’aide desquels, en 1875, on prétendait prouver que les irrigations projetées sur 6,000 hectares, dont 1,500 de régulateur, assuraient l’utilisation complète des engrais des eaux vannes et offraient, par cela seul, une solution incomparablement supérieure à toute autre ? Et, puisque l’épuration et l’irrigation sont difficilement compatibles lorsqu’il faut absorber les eaux vannes d’une ville de médiocre grandeur, puisque l’incompatibilité devient absolue et impossible à vaincre lorsqu’il s’agit d’une ville de deux millions d’habitans, n’est-il pas évident que dès lors les irrigations n’étaient qu’un leurre, destiné à piper les sympathies et les adhésions, et qu’au fond la solution tant vantée n’avait d’autre résultat que l’engloutissement improductif, dans le « vaste régulateur », des richesses contenues dans les eaux d’égouts.

En même temps, la Note nous montre quelle est la juste valeur d’un exemple dont on a longtemps voulu faire un argument péremptoire. Voyez, a-t-on dit et répété maintes fois, voyez les villes anglaises. C’est à l’irrigation qu’elles s’adressent, en nombre toujours croissant, pour se débarrasser de leurs eaux vannes, et elles font ainsi la fortune des campagnes environnantes. Or, nous venons d’apprendre qu’en réalité « pas une grande ville anglaise n’utilise ses eaux d’égouts. » Et si nous ne craignions d’entrer dans de trop longs développemens, il nous serait aisé d’établir que des petites villes, en nombre très restreint, qui avaient adopté cette solution, plusieurs y ont déjà renoncé, que chez toutes, d’ailleurs, les irrigations n’ont donné que des résultats médiocres, insuffisans — et de beaucoup — à compenser les dépenses considérables qu’elles nécessitent[1].

La Note, du même coup, justifie les résistances, anciennes et récentes, des communes situées dans le périmètre des projets. Les cultivateurs qui les habitent n’avaient-ils pas raison de n’être point convaincus lorsqu’on leur déclarait n’avoir d’autre désir que de leur apporter la fortune, puisqu’on leur avoue aujourd’hui que « la véritable utilité de la culture dans l’épuration, c’est de décider les

  1. La Note elle-même, après avoir déclaré (page 100) que maintes villes étrangères ont suivi ou vont suivre l’exemple des villes anglaises, ajoute (page 101) : « Il faut reconnaître cependant que les résultats de l’irrigation avec le sewage n’ont pas répondu aux espérances conçues en Angleterre dans les localités qui en ont fait la première application. Non-seulement ce procédé n’a pas pris de grands développemens, mais dans plusieurs cas les villes et les industriels ont dû, après d’énormes dépenses, renoncer à l’application d’un système qui devenait ruineux. »