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faiblesse de promettre à George III que jamais, pendant son règne, il ne soulèverait de nouveau la question catholique. Dès lors il n’y avait plus de dissentiment entre le roi et le ministre. Puisque Pitt devait en fin de compte se résigner à cette regrettable concession, que ne la faisait-il un mois plus tôt ! Il n’aurait pas amené la chute de son ministère et la désorganisation de sa majorité.

Au fond, il ne quittait pas le pouvoir sans regret, et il fit quelques démarches pour y rentrer, ce qui prouve bien qu’il ne répugnait pas à signer la paix avec la France. En présence des nouvelles dispositions de Pitt, Addington aurait dû s’effacer devant l’homme éminent auquel il devait en grande partie sa situation politique. Des amis communs lui suggérèrent cette idée. Malheureusement, il commençait, lui aussi, à prendre goût au pouvoir ; il était très avancé dans les négociations pour la formation de son ministère ; il lui en aurait coûté beaucoup d’annoncer à ses amis, à ses futurs collègues, qu’il résignait le mandat dont le roi l’avait chargé. George III, de son côté, malgré le dévoûment et les services de Pitt, ne regrettait plus qu’à moitié le départ d’un ministre qui était presque un maître. Pitt connaissait trop bien les hommes pour ne pas deviner ce qui se passait dans l’esprit d’Addington et du roi. Il était fier ; il avait le droit de l’être. Il défendit à ses amis de poursuivre leurs démarches, et le 14 mars il prenait définitivement congé de son souverain. Le nouveau ministère était prêt. Addington était à la fois premier lord de la trésorerie et chancelier de l’échiquier, comme Pitt. Il gardait plusieurs membres de l’ancien cabinet, choisis parmi ceux qui s’étaient prononcés contre l’émancipation des catholiques. Cependant lord Loughborough n’obtint pas la récompense de ses intrigues. Il dut même quitter le poste de chancelier, qui fut donné à sir John Scott, élevé à la pairie sous le nom de lord Eldon. Loughborough fut nommé comte de Rosslyn. Il trouva la compensation insuffisante.

Cette crise ministérielle amena des modifications importantes dans l’état des partis. Au moment où elle éclata, il existait dans le parlement et dans le pays une majorité nombreuse et compacte dont Pitt était le chef incontesté. A la suite de la formation du cabinet Addington, la situation changea. L’ancienne majorité se divisa en trois groupes, dont les chefs furent Addington, Pitt et enfin Grenville, le ministre des affaires étrangères du cabinet démissionnaire. Quant au parti libéral, réduit depuis plusieurs années à une infime minorité, il restait groupé autour de Fox. Il y eut donc quatre partis : les partisans d’Addington, qu’on appelait les amis du roi, les pittites, les grenvillites et les foxites. Sur les deux grandes questions du jour, la paix et l’émancipation des catholiques, voici quelle était l’attitude de chacun de ces partis : les amis