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de la gauche, qui traînent depuis deux ans dans les chambres, dans les manifestes et dans les polémiques. La réforme électorale en est à peine à être examinée et étudiée. La réforme de l’impôt sur la moulure a déjà passé par toute sorte de péripéties parlementaires; elle a été discutée, modifiée, votée par la chambre des députés, repoussée par le sénat, qui s’est préoccupé avant tout des conséquences financières. Elle revient aujourd’hui avec la réforme électorale, et le roi Humbert, sans doute pour hâter une solution en parlant aux sentimens des chambres, a cru devoir placer ces deux questions sous la protection de la mémoire du roi Victor-Emmanuel ; il les a représentées comme les dernières promesses du fondateur du royaume. « La réforme des impôts, pour soulager les classes pauvres, et l’extension du droit électoral, a-t-il dit, est un devoir sacré envers sa mémoire vénérée et l’objet de la juste attente du peuple italien... » Le ministère, toujours présidé par M. Cairoli, a pris, quant à lui, un moyen plus direct et moins sentimental : il a fait une promotion de sénateurs, avec l’intention évidente de modifier dans la haute chambre la majorité qui a repoussé jusqu’ici l’abolition complète et immédiate de l’impôt sur la mouture. Il n’a pas fait cette fois, comme cela arrive assez souvent, des sénateurs avec des députés menacés dans leur position électorale; il a choisi des hommes en dehors du monde parlementaire, dans l’armée, dans l’administration, dans le haut enseignement. Aura-t-il réussi par cet expédient à déplacer la majorité sénatoriale, à vaincre une résistance devant laquelle la chambre des députés et les divers cabinets ont dû s’arrêter depuis deux ans? C’est possible sans être encore certain. Le sénat finit-il d’ailleurs par céder sur ce point, la question financière n’en serait que plus grave le lendemain par suite de la suppression définitive d’un impôt malaisé à remplacer dans le budget. il n’est pas dit d’un autre côté que le sénat, même avec son nouveau contingent, sera disposé à accueillir les diverses propositions de réformes qui pourront lui être soumises.

De toute façon, c’est une session laborieuse qui s’ouvre à Rome avec toutes ces perspectives de difficultés financières, de dissidences possibles entre les deux assemblées, de délicates questions diplomatiques, nées d’un certain relâchement dans la direction des affaires. Si, au milieu de tout cela, le ministère Cairoli arrive, après la suppression de l’impôt sur la mouture, à une réforme électorale, prélude d’une dissolution inévitable de la chambre des députés, il n’est point douteux que les élections auxquelles le pays devra être appelé seront un grand inconnu. Ce sera une lutte décisive engagée devant un corps électoral renouvelé entre la politique de la gauche qui règne depuis quelques années, qui ne s’est sûrement pas attestée par l’éclat de ses œuvres et la politique de libéralisme modéré, qui est aujourd’hui dans l’opposition après avoir été longtemps au gouvernement. Ce sera évidemment une crise assez grave pour ce peuple ne d’hier qui a eu jusqu’ici toutes les fortunes et