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toute boulevardière. Elle est vraie de la Bastille à la Madeleine, dans les limites de l’octroi de Paris, si l’on veut; jusqu’à Versailles ou jusqu’à Fontainebleau, quand elle va le plus loin. « Je retiens votre salon de cent couverts, dit au traiteur le héros de la noce. — Combien êtes-vous? — Dix-neuf. — Diable! vous allez être bien gênés. » Il n’y a pas de raison pour que cette plaisanterie des Noces de Bouchencœur ne meure pas comme elle est née, dans la zone des forts détachés. Dans Un mari qui lance sa femme, le baron de Grandgicourt donne dans ses salons une fête « champêtre; » on a mis partout de la verdure, et le maître de la maison, recevant ses invités : « Entrez donc! vous voyez! de la verdure, du gazon, du feuillage partout... comme s’il en poussait. » Le mot est joli, mais au-delà de l’enceinte fortifiée « porterait-il » seulement? Or voici le danger, c’est qu’on verse de là bientôt dans la farce et dans la bouffonnerie. Le même vaudeville peut nous servir d’exemple. Au milieu de cette fête champêtre apparaît M. Lépinois, suivi de sa femme et de sa fille : « Par ici, mes enfans... Regardez donc... de vraies feuilles,... de vrais arbre?,., des pommes,... on se croirait à Ménilmontant.» Vous voyez ici le moment précis où l’observation

Sort du bon caractère et de la vérité.


Les chocolatiers retirés du commerce avec trente ou quarante mille francs de rente, ce qui est le cas de M. Lépinois, ne prennent plus, — voilà longues années, — Ménilmontant pour la campagne ni les Buttes-Chaumont pour la Suisse. Nous retournons à l’ancien vaudeville, le vaudeville pesant de Duvert, nous descendons du bon comique à la caricature pure; encore un pas, nous allons tomber dans le bouffon. Ce dernier pas, c’est le style ou plutôt la négation du style, érigée pour ainsi en principe, qui va nous le faire faire.

Il faut s’entendre. Encore aujourd’hui, quand on parle de style, nombre de gens veulent bien s’imaginer qu’il n’y va que d’une question de forme ou même de correction grammaticale: une étroite et pédantesque observation des règles, un respect superstitieux de la syntaxe, avec cela quelques ornemens, quelques oripeaux de circonstance, du paillon et du clinquant dont on habillerait la simplicité de la pensée toute nue, d’ailleurs une phrase harmonieuse, qui sonne agréablement à l’oreille, voilà pour eux le style et voilà tout l’art d’écrire. Mais le style est autre chose, dont il vaut mieux au surplus se taire que de parler sérieusement en semblable sujet. Toujours est-il que je ne m’offenserai guère des libertés que M. Labiche a prises quelquefois avec la syntaxe et que, s’il a quelquefois « chiffonné la grammaire, » je n’affecterai pas la pruderie de le lui reprocher. Ce n’est pas qu’on ne pût noter, deçà, delà, des couplets d’une langue singulière, ceux-ci par exemple :