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L’ÎLE DE CYPRE.

avant du temple d’Hiérapolis, comme les deux colonnes Yakin et Boaz devant l’édifice bâti par Salomon, comme aussi les obélisques des temples égyptiens[1].» Le trait par lequel sont indiquées, sur la médaille, ces colonnes jumelles suggère l’idée d’une forme très décorative, qui, par les renflemens prononcés de ses courbes horizontales, rappelle la silhouette de certains candélabres antiques conservés dans nos musées.

Le graveur de tous ces coins cypriotes, ne disposant que d’un espace très restreint, avait tenu surtout à mettre en vue sur ces pièces l’étrange simulacre qui faisait l’originalité du culte de Paphos. Il en avait donc forcé la proportion et il l’avait placé, ainsi grossi, dans le milieu du champ; puis, comme pour mieux le faire valoir, il l’avait encadré dans la façade du temple proprement dit, du bâtiment couvert qui servait à l’idole d’enveloppe et d’abri; mais avec le peu de place dont il disposait, il n’avait pu songer à montrer en même temps les parties secondaires, les dépendances du sanctuaire. Or, du temple de Jérusalem si bien restitué par M. de Vogüé à celui de Marathus dont M. Renan a retrouvé toute l’ordonnance, tous les édifices religieux de la Syrie ont une enceinte extérieure, un péribole, comme disaient les Grecs, qui circonscrit une large cour entourée de portiques[2]. Cette enceinte, il en subsiste encore quelques débris imposans, quoique ces murailles servent depuis bien des siècles de carrière aux habitans du petit village de Kouklia, situé sur l’emplacement du même temple, et que jadis les Lusignans en aient tiré les matériaux d’une forteresse et de plusieurs églises, elles-mêmes aujourd’hui ruinées.

M. de Cesnola a fait, en plusieurs fois, des fouilles assez étendues et très profondes sur différens points du plateau qu’occupait le sanctuaire ; le plan qu’il donne mérite donc d’être préféré, tout sommaire qu’il soit, aux esquisses que quelques-uns de ses prédécesseurs avaient tracées après une rapide inspection des lieux. Sans retrouver la trace de ces colonnades, de ces clôtures intérieures et de ces bassins qu’avaient cru reconnaître Ali-Bey et Hammer, il met au centre du plateau les débris d’un massif rectangulaire qui représenterait les substructions du temple figuré sur les médailles ; les quatre pierres d’angle sont encore en place. Ce parallélogramme est enveloppé, à distance, par un autre bien plus vaste, que dessinait une puissante enceinte, dont les fondations existent à peu près partout, plus ou moins profondément enfouies. Quelques blocs, qui s’élèvent encore au-dessus du sol, ont des dimensions prodigieuses;

  1. La Numismatique et l’Architecture, dans la Revue générale de l’architecture et des travaux publics, 4e série, 4e volume, 1877.
  2. De Vogüé, le Temple de Jérusalem, monographie du Haramechchérif, Paris, 1864, gr. in-f°, avec 37 planches. — Renan, Mission de Phénicie, chap. III, pl X.