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quelques-uns de ses détails. La forêt de palmiers nous paraît couvrir une grande étendue de terrain. Du pied de la montagne jusqu’aux premières maisons, ce n’est qu’une plaine de sable uni. Les caravanes y ont tracé leur chemin légèrement tortueux. Il nous est facile de le distinguer, et nous allons le suivre, quoiqu’il soit à peu près indifférent d’aller plus à droite ou plus à gauche, mais les pieds des chameaux ont battu le sol, et le sable en est devenu un peu moins tirant pour les chevaux.

En approchant de Biskra, un groupe de cavaliers qui viennent à nous attire notre attention. Des uniformes, des burnous blancs et des burnous rouges dans un nuage de poussière, c’est tout ce que nous pouvons distinguer au premier moment ; mais nous nous rapprochons, et celui qui s’avance en tête à notre rencontre est le commandant supérieur du cercle de Biskra, accompagné de plusieurs spahis ; puis vient ensuite, monté sur un beau cheval, le kaïd de Biskra, Arabe de noble apparence de la belle famille des Ben-Ganah. Après un arrêt de quelques minutes nécessaire pour les présentations, entourés de tous ces cavaliers, nous reprenons notre course, et peu d’instans après nous faisons notre entrée dans la ravissante oasis de Biskra.

Jeudi 26 septembre. — Depuis que nous avons quitté Constantine, c’est-à-dire depuis le lundi soir, nous avons parcouru 239 kilomètres sans trop de fatigue. Notre intérêt a toujours été de plus en plus excité, et notre imagination de plus en plus charmée. El-Kantara étant le premier aperçu sur la nature vraiment orientale, nous en avons eu non-seulement l’admiration, mais aussi la surprise. La vue dont nous avons joui sur le haut du col de Sfa nous a également révélé un pays entièrement nouveau et plein de grandeur. L’entrée dans l’oasis de Biskra nous a laissé entrevoir la vie féodale de l’Arabe à côté de la civilisation de la France, la nature dans sa parure naturelle à côté des jardins alignés par la main des colons. Biskra ne ressemble à rien de ce qui se trouve en France. Les maisons à hautes murailles, percées seulement de lucarnes, sont toutes blanchies à la chaux et entourées de jardins, protégés aussi par de blanches murailles au-dessus desquelles s’élèvent les larges touffes des beaux palmiers parés en cette saison de leurs régimes de dattes de couleur vive, jaunes ou rouges. De larges espaces se trouvent entre ces constructions mystérieuses ; ils peuvent être considérés comme des rues. Dans les plus vastes, les autorités françaises ont fait planter des bosquets de rosiers, d’arbustes variés et de ricins, dont l’élévation atteint presque dans ces parages celle d’un arbre ; ses larges feuilles luisantes et découpées, d’un vert foncé, attachées à une tige rouge, sortent puissamment du milieu des touffes