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mesure. On était donc dans la nécessité de frapper de nouveaux décimes, et le roi s’était formellement engagé à ne le point faire sans le consentement du clergé, ayant accepté lors du vote des derniers décimes la condition faite par l’assemblée qu’il n’imposerait aucuns francs-fiefs, nouveaux acquêts et autres droits quelconques, tant sur le clergé que sur les officiers de cet ordre.

Le gouvernement ainsi acculé annonça son intention de convoquer les mandataires des provinces ecclésiastiques, et il suspendit les mesures fiscales qui avaient soulevé de si vives réclamations. Mainlevée fut donnée des saisies opérées sur les biens d’église ; des lettres royaux du 11 décembre 1640 autorisèrent la réunion d’une assemblée générale du clergé, en déclarant qu’elle était appelée poulies nécessités urgentes de la guerre et pour statuer sur la demande d’une somme de 6,000,000 livres, payables en trois ans. Le roi n’avait, par l’édit des amortissemens, parlé que de 1,200,000 écus ; mais sachant par expérience que le clergé n’accordait jamais tout ce qu’il réclamait de lui, il avait grossi le chiffre, et en demandait maintenant 6,000,000, destinés à tenir lieu du produit de la recherche des amortissemens. Il prenait toutefois l’engagement, si la guerre se terminait promptement, de se contenter d’une somme moindre ; au contraire se continuait-elle au delà du laps de trois années, il ne devait rien demander en sus. Des termes mêmes dans lesquels les lettres étaient conçues, il résultait que l’assemblée était seulement convoquée pour approuver l’impôt mis par le roi sur le clergé. On se flattait, sur l’assurance qui avait été donnée par la réunion des prélats de la cour, de rencontrer toute bonne volonté chez les députés. Les lettres royaux dictaient donc à l’avance leur devoir aux mandataires de l’église. La seule liberté à eux laissée en apparence, c’était l’option entre les deux moyens qui s’offraient pour satisfaire à la demande du roi. Ils devaient se décider entre le versement direct des 6 millions et un impôt du tiers sur les revenus des bénéfices que le gouvernement pourrait affermer ; le produit d’un tel impôt, charges et non-valeurs déduites, était estimé pouvoir être adjugé à des traitans pour une somme montant environ à ces 6 millions. Au cas où l’assemblée s’arrêterait à ce second moyen, le roi voulait que les curés, hôpitaux, jésuites, carmélites et religions établies depuis trente années fussent exempts de l’impôt. Mais même sur ce point, l’assemblée n’était pas libre complètement. Richelieu affectait de laisser le moyen à sa discrétion afin d’avoir l’air de condescendre aux observations du saint-père, qui était intervenu dans l’affaire des amortissemens et avait insisté pour qu’on ne chargeât pas autant le clergé. Disons que l’impôt du tiers semblait devoir faire moins payer à celui-ci que l’acquittement direct du subside réclamé. Le clergé fut loin de se tenir pour