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Si j’ai rappelé un peu longuement peut-être les différentes raisons de politique et de sentiment qui ont amené autrefois la désorganisation de la maison de la petite Roquette, ce n’est pas pour arriver comme conclusion définitive à en demander le rétablissement. Puisque cette grave question se trouve naturellement sous ma plume, je n’hésite pas à dire que je ne suis pas partisan pour les enfans de l’éducation correctionnelle donnée en cellule. Ce n’est pas que je croie aux effets désastreux que la solitude produirait sur l’intelligence et la santé des enfans. Des dépositions très convaincantes, entre autres celle du docteur Motet et de l’abbé Crozes, l’un médecin, l’autre ancien aumônier de la maison de la Petite-Roquette, devant la commission d’enquête de l’assemblée nationale ont établi d’une façon péremptoire qu’on avait singulièrement exagéré ces résultats, et attribué à la cellule des phénomènes morbides qui avaient une raison pathologique toute différente. Mais ce que je reproche à l’éducation cellulaire, c’est de mal préparer les enfans à la vie commune où ils sont destinés à rentrer. Le but de l’éducation correctionnelle doit être de remplacer l’éducation de famille qui a été insuffisante ou mauvaise, et son principe doit être de rappeler autant que possible cette éducation. C’est ce que M. Demetz avait si merveilleusement compris lorsqu’il a fondé Mettray et ce qu’il a entendu rappeler lorsqu’aux subdivisions créées par lui dans l’intérieur de la colonie il a donné le nom de famille. Or que dirait-on d’un père de famille qui, reconnaissant chez son fils des instincts vicieux, le séquestrerait absolument de toute société humaine et en particulier de celle des compagnons de son âge pendant plusieurs années, sauf à le rendre ensuite brusquement à une liberté absolue et sans contrôle ? Telles seraient cependant en pure logique les conséquences auxquelles conduirait l’application de l’éducation cellulaire aux enfans. Hâtons-nous de dire que dans la pratique la mise en liberté provisoire tempérait pour le plus grand nombre des enfans détenus à la Petite-Roquette les inconvéniens théoriques du système. Mais ces inconvéniens subsisteraient pour ceux dont la mise en liberté provisoire ne paraîtrait pas justifiée ou aurait donné de mauvais résultats. Aussi la réorganisation de la Petite-Roquette comme maison d’éducation cellulaire n’est-elle pas à poursuivre aujourd’hui elle serait contraire au texte de la loi qui prescrit l’éducation en commun et irait à l’encontre du sentiment public, qui est à juste titre peu favorable au système de l’emprisonnement solitaire appliqué aux enfans.

La trop brusque désorganisation de la maison de la Petite-Roquette a cependant laissé sans correctif un des principaux