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Mlle de Blois, fille de Louis XIV et de Mme de Montespan, A un moment donné, il est même question d’un double mariage, le duc du Maine devant épouser Mademoiselle, fille de la Palatine. « On m’a dit en confidence les vraies raisons pour lesquelles le roi traite si bien le chevalier de Lorraine et le marquis d’Effiat ; c’est parce qu’ils lui ont promis d’amener Monsieur à le prier très humblement de vouloir bien marier les enfans de la Montespan avec les miens, savoir : ma fille avec ce boiteux de duc du Maine, et mon fils avec Mlle de Blois. La Maintenon, dans cette circonstance, est tout à fait pour la Montespan, car c’est elle qui a élevé les bâtards, et elle aime ce méchant boiteux comme si c’était son propre enfant. Elle m’a montré des lettres de lui qu’il lui écrivait d’une chambre à l’autre, et dans lesquelles il l’assure qu’il l’aime mieux et la respecte beaucoup plus que Mme de Montespan, parce qu’elle ne le réprimande jamais sans raison, tandis que sa mère ne le fait que par caprice ; aussi lui est-il plus dévoué qu’à Mme de Montespan. La Maintenon est donc très favorable à ce mariage… Je ne puis m’empêcher de me tourmenter intérieurement, et toutes les fois que je vois ces bâtards, cela me fait tourner le sang. Pensez, ma bien-aimée tante, si je dois souffrir de voir mon fils unique et mon unique fille victimes de mes plus cruels ennemis ! .. Peut-être même serai-je exilée à cette occasion, car Monsieur m’en parle très sérieusement. » Mais le roi espère la prendre plutôt par la douceur ; il se radoucit à son égard, et, sachant dans quelle détresse elle est, « il lui fait la grâce de lui envoyer six mille pistoles pour payer ses dettes ; » mais rien n’y fait, et quand Monsieur, bien travaillé par ses favoris, demande pour son fils la main de Mlle de Blois, et que le duc de Chartres, endoctriné par Dubois, se laisse marier sans mot dire, la colère de Madame se traduit par ce fameux soufflet qui « fit voir des chandelles » au futur régent, et pendant plusieurs jours personne n’ose lui parler de ce mariage. Cette colère se fût changée en fureur, sans aucun doute, si le second mariage projeté s’était fait. Aussi quel cri de joie quand on apprend à Madame que le « boiteux » épouse Mlle de Bourbon ! « Dieu soit loué ! le mariage de M. du Maine est accompli, et ce m’est un poids de moins sur le cœur. Je crois que l’on doit avoir rapporté à la vieille ordure du roi ce que disait la populace de Paris, et que cela lui aura fait peur. Les gens du peuple disaient très haut que ce serait une honte si le roi donnait sa bâtarde à un prince légitime de la famille ; que cependant, comme mon fils donnerait le rang à sa femme, ils laisseraient faire ce mariage, quoique à regret ; mais que, si la vieille voulait s’ingérer de donner ma fille à M. du Maine, ils étrangleraient celui-ci avant la noce, et que la vieille, comme ils appellent encore la gouvernante, ne serait pas en sûreté. Dès que ce bruit se fut